Les remèdes de choc prescrits lundi par les experts de l’OCDE pour sortir le Luxembourg de la crise n’ont pas soulevé cette année de hauts-le-cœur, comme ce fut le cas les autres fois, lorsque leurs leçons de libéralisme débridé et leur mépris des considérations de cohésion sociale donnaient des boutons aux dirigeants politiques. L’organisation recommande cette fois au gouvernement de lever son plan de relance pour s’attaquer au déficit structurel de ses finances publiques. L’assainissement budgétaire passe par une réforme des retraites (allongement de l’âge effectif de la retraite et réduction du taux de remplacement des pensions, abolition des programmes de retraite anticipée) et aussi des changements profonds dans le système de formation des salaires (l’index est visé, bien sûr). Les experts de l’OCDE jugent que le niveau actuel du salaire social minimum constitue un frein à la création d’emplois et à l’entrée de jeunes, trop souvent sortis de l’école sans qualification, sur le marché du travail. La perversité des prestations de chômage pour certaines catégories de personnes crée des « trappes d’inactivité » réduisant l’employabilité des résidents, ce que le ministre du Travail, Nicolas Schmit, n’a pas démenti lors de la présentation du rapport lundi, reconnaissant qu’il convenait d’évaluer le rapport entre l’efficacité et les coûts de certains programmes de remise au travail.
Après la pression que l’organisation a mise sur les pays pratiquant le secret bancaire pour qu’ils passent à l’échange d’informations (sur demande) en matière fiscale, on aurait pu penser que la place financière allait être quitte cette fois des leçons de conduite des experts de Paris. Pas tout à fait – et le ministre de l’Économie, Jeannot Krecké, en l’absence de Luc Frieden, son collègue des Finances, a réitéré les réticences du gouvernement à faire le saut vers l’échange automatique –, bien que l’OCDE ait distribué dans son rapport des bons points à la régulation financière et la supervision des liquidités, dont les ressources lui paraissent « appropriées ». Au compliment, les experts ont toute-fois assorti la recommandation de fusionner les deux autorités de régulation financière, la Commission de surveillance du secteur financier et la Banque centrale du Luxembourg (BCL). À défaut de passer par cette étape aussi radicale – que ne contredirait pas Yves Mersch, le patron de la BCL –, le minimum requis exigerait d’institutionnaliser la coopération entre les deux autorités.
La forte spécialisation du centre financier, notamment dans les opérations de liquidités interbancaires (les prêts interbancaires représentent plus de la moitié du crédit au grand-duché, contre 28 pour cent dans la zone euro) et la gestion d’actifs, conduit à une concentration des risques sur un petit nombre de contre-parties. D’où la nécessité de ne pas gaspiller les ressources des régulateurs, éviter les doubles emplois et leur donner les moyens de réaliser leurs propres évaluations des risques et de l’effet boule de neige qu’ils pourraient entraîner sur les marchés. L’OCDE considère d’ailleurs que la réglementation « efficace est un élément important du maintien de l’intégrité du marché et de la position concurrentielle du Luxembourg ».
Enfin, les experts ne pouvaient pas ne pas manquer ce crochet par l’affaire Madoff en demandant que le rôle des banques dépositaires soit « clarifié ». « Le Luxembourg devrait envisager, notent les experts, des mesures pour clarifier le cadre juridique (…), même si la séparation juridique implique des coûts administratifs ». Et l’OCDE de préciser que certains de ses États membres interdisent carrément « tout lien de propriété entre gestionnaire et dépositaire ».