La Corée du Nord a raté le lancement d’un missile il y a quelques jours, au grand soulagement de ses pays voisins et de l’ensemble de la planète. Le magazine Wired nous apprend que ce n’est pas seulement l’astronautique nord-coréenne qui laisse à désirer : la présence en ligne du pays le plus fermé au monde est elle aussi à la traîne. Ce ne sont cependant pas des reporters de Wired qui ont découvert à quel point Pyongyang recourt à des technologies bon marché pour se présenter sur le web, mais un étudiant en informatique. Ce jeune homme inscrit à l’université de Fordham, invité à faire un exposé pour un cours sur l’histoire et la culture de la Corée, a ausculté le code qui sous-tend le site officiel en anglais de la République populaire démocratique, à l’adresse www.korea-dpr.com. Un site exhibant des scènes épiques aux couleurs criardes, le tout servi à l’aide de la technologie Flash, omniprésente sur le site. Il s’agit donc d’une présence en ligne relativement moderne, pour exposer il est vrai une idéologie qui l’est beaucoup moins : La République populaire démocratique de Corée est « un véritable État des travailleurs où tous sont complètement libérés de l’exploitation et de l’oppression », où « les travailleurs, paysans, soldats et intellectuels sont les véritables maîtres de leur destin et sont dans une position unique pour défendre leurs intérêts », annonce le site sans rire.
En examinant les codes auxquels il a accès depuis son navigateur, cet étudiant, Michael DiTanna, a la surprise de découvrir un indice qui montre que le site a été construit à l’aide d’une technologie qui est en vente en ligne pour la modique somme de quinze dollars. Le service de propagande de Pyongyang a été pingre au possible en matière de webdesign ! Et en plus ses web-masters ne se sont pas donné la peine de travailler proprement : le bout de code en question est un reste provenant d’instructions fournies aux utilisateurs par les concepteurs du logiciel, le modèle Blender de Ignite Themes. « C’est un peu comme si vous laissiez la feuille de plastique sur votre super nouvelle télé qui vous précise la taille de son écran », a ironisé Wired.
Après l’inquiétude qui a entouré la tentative de lancement d’une fusée par l’État crypto-stalinien, la découverte de Michael diTanna a été accueillie dans la blogosphère par un vaste éclat de rire, qui a quelque peu détendu l’atmosphère. Peut-on vraiment prendre au sérieux une soi-disant puissance nucléaire qui fait preuve d’un tel amateurisme lorsqu’il s’agit de se projeter sur la scène internationale ?
Mais certains commentateurs qui se sont exprimés sur Wired n’ont pas voulu s’engager sur cette voie. L’un d’eux, adepte de la « frugalité », a estimé que si le gouvernement américain se contentait de dépenser quinze dollars sur certaines choses, l’Amérique n’aurait pas un déficit de 16 000 milliards de dollars. Un autre a acquiéscé, dénonçant comme excessifs les centaines de milliers de dollars qui sont couramment investis dans certains sites gouvernementaux.
Un internaute a cru pouvoir affirmer que le site est un faux, faisant valoir que le nom de domaine était enregistré avec une adresse de contact en Espagne et qu’il était peu plausible qu’un site officiel nord-coréen ait une extension de type .com. Pour être aussitôt mis en échec par un autre, mieux documenté, qui a précisé que ce site est parfaitement légitime, le « gars en Espagne » en question, Alejandro Cao, étant un représentant officiel de la République démocratique.
« Un pauvre idiot va maintenant être envoyé dans un camp de concentration à cause de cet article », s’est esclaffé un internaute. « Tu plaisantes », lui a répondu un autre, « le gars qui a conçu ce site est déjà en prison. Pourquoi crois-tu qu’on dit de nos jours que le design de site web est du ‘travail d’esclave’ ». Un autre a suggéré que le régime nord-coréen n’a pas en réalité payé les quinze dollars du logiciel, mais l’a volé…