C’est l’histoire improbable d’un couple ordinaire et sans histoires, les Béliers, qui rentre chez soi après une soirée tranquille, mais dont la vie va basculer en quelques secondes : Un téléphone sonne, alors qu’ils n’en ont pas. Une voix inconnue demande Monsieur Schmitt. Mais pourquoi ? Et qui a donc pu changer les meubles et la décoration de leur appartement pendant leur absence ? Pourquoi soudainement les clés ne rentrent-elles plus dans la serrure ? Le cauchemar commence et une avalanche d’événements inexplicables et absurdes les engloutit. Enfermés chez eux, ils doivent alors comprendre pourquoi le monde semble les prendre pour les Schmitt, un couple auquel tout les oppose. Leur vie ne semble plus leur appartenir.
L’écriture de Sébastien Thiéry est nette, d’un humour tranchant et burlesque. La mise en scène reflète parfaitement cet esprit drolatique et regorge de détails intrigants et d’indices, qui pourtant ne se révèleront que plus tard dans l’histoire. Les événements et interactions des personnages semblent quelque peu décousus ça et là, mais prennent toute leur signification au fur et à mesure que l’intrigue se poursuit.
Catherine Marques dépeint une Madame Schmitt avec juste ce qu’il faut de folie et d’humour. Elle passe de la féline séductrice à la femme apeurée et désarmante de naïveté en un tour de main. Des personnages extérieures défilent dans l’appartement et viennent rajouter de la confusion à l’histoire : un policier hargneux (excellent Jean-Marc Barthélemy) qui pèse chacun des mots du prétendu Monsieur Schmitt, essayant de coincer cet imposteur fou. Arrive ensuite un psychiatre (très drôle Alexandre Carvalho) un peu écervelé qui tentera d’aider Monsieur Schmitt à éclaircir la situation par des jeux de rôles et de mots surréalistes. L’intrigue se resserre quand réapparaît le fils disparu des Schmitt (Raoul Schlechter). La situation mène Monsieur Schmitt / Bélier aux bords de la folie et menace de le faire perdre la raison. Finalement, une question angoissante se faufile entre les malentendus et le chaos : et si Monsieur Schmitt existait réellement et pas Monsieur Bélier ? Ce dernier commence à douter de lui et des personnes qui l’entourent, même de sa femme. La révélation de la pièce est sans aucun doute Guy Robert, livrant un personnage attachant, qui bondit, s’affole, hurle et abdique devant la folie qui le gagne. Il laisse le public hilare et nous rappelle l’humour des grands personnages comiques du Dîner de cons ou Le Père Noël est une ordure.
À force d’être pris pour quelqu’un d’autre, le personnage principal n’aura d’autre choix que de jouer le jeu en attendant de découvrir la vérité sur cette confusion de vies et de retrouver son identité.
L’argument de la pièce est simple et léger, mais le jeu d’acteur et la mise en scène transportent le public vers un conte fou et dérangeant, digne de Samuel Beckett ou de David Lynch, ponctué de moments hilarants. Sur fonds de comédie, la pièce soulève l’éternelle question de notre véritable identité. Qui sommes nous et surtout, sommes-nous heureux ? La santé mentale de Monsieur Schmitt / Bélier est mise en question et le monde autour de lui semble vouloir le convaincre qu’il est – et a toujours été – quelqu’un d’autre. Comment se faire à l’idée qu’on n’est pas celui qu’on pensait être ? Un simple malentendu se transforme peu à peu en véritable calvaire. Et si le monde extérieur aussi n’était pas celui que l’on croit ?
La pièce soulève de nombreuses questions, mais surtout, elle fait rire en explorant les coins les plus enfuis de notre conscient. Un très grand coup de théâtre !