Face aux tarifs souvent rédhibitoires du téléchargement de données à l’étranger à partir de son smartphone et pour éviter de désactiver la 3G et le mode « données à l’étranger » dès le passage d’une frontière de l’Union européenne, la Commission européenne a frappé une nouvelle fois du poing sur la table contre des dérives des opérateurs de services de communications mobiles. Ce qui risque de peser d’ailleurs lourdement sur leurs futurs résultats.
En 2011, une première proposition a été soumise par la commission aux parlementaires européens et en février, ces derniers se sont montrés particulièrement rigoureux en réponse, en allant plus loin dans la baisse des tarifs que ce que Bruxelles préconisait. Un consensus a été trouvé le 28 mars dernier sous la forme d’un accord de principe qui permettra aux consommateurs de réduire leur facture lorsqu’ils se déplacent à l’étranger. L’accord doit encore être approuvé par le Parlement européen, ce qui devrait se faire au mois de mai, de sorte que son entrée en vigueur devrait intervenir dès juillet, début de la grande transhumance estivale des Européens. Les effets du coup de semonce de Bruxelles et le rythme de la baisse des prix s’étaleront jusqu’en 2017.
Première mesure phare de l’accord : favoriser la concurrence et permettre aux consommateurs de services de mobiles de choisir un nouveau fournisseur quand ils changent de pays. À partir du 1er juillet 2014, explique la Commission, les clients pourront opter pour « l’offre la plus avantageuse et signer un contrat d’itinérance distinct avec un opérateur autre que leur opérateur de téléphonie mobile d’origine, tout en gardant leur numéro de téléphone ». Ainsi, pour les services data, il sera possible de sélectionner directement un réseau local dans le pays visité. Ce choix se fera à l’avance ou au moment du déplacement. « Les opérateurs seront incités à proposer de tels services à un prix équivalent au tarif national sur la base des faibles coûts de réseau nationaux qu’ils supportent », note la Commission dans une communication du 28 mars. Une « option de type Wifi » promise, selon Bruxelles, « à un grand succès auprès des voyageurs ». Sauf que le « tout illimité » dans le mobile pourrait faire du tort à la rentabilité des entreprises de télécommunications.
L’autre disposition devant doper la concurrence sera l’ouverture dès le 1er juillet prochain aux opérateurs de réseaux mobiles virtuels et aux revendeurs (de type Free en France) d’utiliser les réseaux d’autres opérateurs à des tarifs de gros réglementés pour fournir des services d’itinérance (et aussi nationaux) à leurs clients. L’effet « Free » pourrait donc faire des ravages dans les pays de l’UE et rendre les tarifs nettement plus attractifs.
Troisième mesure phare de l’accord : l’instauration de plafonds tarifaires pour les services de données qui serviront, selon la Commission, de « plafond de sécurité » aux clients jusqu’au 30 juin 2017, en attendant que le jeu de la concurrence fasse son œuvre. Parallèlement, Bruxelles veut abaisser les plafonds actuels des tarifs de détail pour les services vocaux et de SMS.
La baisse se fera progressivement. Le 1er juillet 2012, le consommateur en déplacement à l’étranger paiera ainsi au maximum 29 centimes la minute pour passer un appel à l’étranger, 8 pour en recevoir, 9 pour envoyer un SMS et 70 centimes le mégaoctet pour télécharger des donnés ou naviguer sur Internet.
Deux ans plus tard, en juillet 2014, le consommateur d’itinérance sera facturé au maximum 19 centimes pour un appel, 5 pour en recevoir, 6 pour un texto et 20 pour la data.
Des tarifs établis à partir de données communiquées en février dernier par l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques sur la base d’études sur les coûts supportés par les entreprises pour fournir des services d’itinérance.
La Commission européenne estime que la fixation de ces plafonds tarifaires rendra « attractif » l’investissement dans d’autres services d’itinérance et l’entrée sur le marché de nouveaux opérateurs.
À l’heure actuelle, pour éviter que les utilisateurs de services de mobile à l’étranger ne tombent à la renverse à la lecture de leur facture, surtout avec l’itinérance de transmission de données, les opérateurs sont tenus de mettre des warning grâce à un mécanisme préventif alertant les clients dès qu’un plafond financier est franchi (en général par tranche de 50 euros). Idem pour les SMS : une notification est envoyée dès que le client s’approche de 80 pour cent du plafond financier convenu, par exemple dans le forfait.
Ce système de prévention va être étendu à toute l’UE. Les clients devront ainsi confirmer qu’ils souhaitent dépasser le seuil des 50 euros pour pouvoir continuer à utiliser les services de données.
La Commission européenne fait le suivi depuis avril 2009 de l’évolution des prix de l’itinérance dans les 27 États de l’UE d’une opérateur à l’autre. Tout y est consigné : tarifs data, voix, texto en mode prépayé (les opérateurs luxembourgeois notent de moins en moins d’engouement des consommateurs pour ces formules en raison des efforts consentis dans les forfaits, de plus en plus compétitifs) ou post-payé.
En voici quelque-uns des résultats pour le Luxembourg, où les trois acteurs du marché, Luxgsm, Orange et Tango ont été pris en compte :
Un megaoctet de data post-payé En avril 2009, Luxgsm facturait 5,18 euros chez n’importe quel opérateur en Belgique (idem pour ses tarifs en France, en Allemagne et en Italie), Orange 6,3 euros quel que que soit aussi l’opérateur belge (les tarifs valaient aussi pour les autres pays européens) et Tango (filiale de Belgacom) le faisait payer 14,38 euros chez Base et Proximus (Belgacom), mais seulement 8,32 euros chez Mobistar. Tango en France et en Allemagne appliquaient des prix différents selon les opérateurs : 14,72 euros pour le roaming le plus cher en Allemagne avec E-Plus à 0,21 euros en Italie avec Wind, 6,90 euros en France avec Bouygues.
Après le coup de gueule de la commissaire européenne Viviane Reding, les tarifs ont sérieusement baissé en juillet 2009 : Luxgsm facture alors son data partout en Europe à 3,16 euros, mais Orange, récalcitrant, ne bouge pas les siens, tandis que Tango les aligne à la baisse à 6,30. En juin 2011, date de la dernière observation disponible, le roaming des données pointait chez Luxgsm, quel que soit l’opérateur européen concerné, à 3,16 euros, tarif inchangé depuis le coup de poing de Reding à l’été 2009. Orange n’a jamais modifié les siens (6 euros), tandis que Tango a fait d’importants efforts pour les faire baisser : 1,50 euros, les plus bas du pays.
Sur le registre de la voix, Luxgsm faisait payer les quatre minutes de communication à l’étranger 2,07 cents en septembre 2008, Orange deux euros et Tango 1,76. En juillet 2010, ça baisse un peu : 1,75 euros pour Luxgsm, 1,84 pour Orange et 1,80 pour Tango. Peu de changement observés un an plus tard, Luxgsm continuant à facturer à 1,75 euro, Orange 1,80 et Tango 1,79. On est donc encore loin des nouvelles tarifications préconisées par la Commission. Le choc risque d’être rude pour les opérateurs luxembourgeois.