L’information que Claude Strasser serait le nouveau patron de l’Entreprise des postes et télecommunications (EPT) a fuité ce mercredi avant même la fin du conseil d’administration devant aviser le choix d’Étienne Schneider, LSAP, le nouveau ministre de l’Économie. Les administrateurs ont peu apprécié la manière, certain ayant le sentiment d’avoir été dupés dans une procédure censée les associer au choix et l’impression que la fuite avait été orchestrée par Étienne Schneider lui-même ou son entourage, dans le but de les mettre devant un fait accompli.
Ayant anticipé les difficultés que l’option Claude Strasser, 39 ans, allait soulever, Serge Alleggrezza, vice-président du conseil d’administration de l’EPT et directeur du Statec, qui avait été mandaté pour diriger le recrutement (on ignorait alors si c’était pour trouver un cinquième membre du comité de direction ou pour remplacer le directeur général sortant, parti à la retraite le 1er mars dernier) avait tout prévu mercredi : il passa un coup de fil au lauréat et peu après, Claude Strasser se présenta devant les membres du conseil qui eurent ainsi tout le loisir de le « passer sur le grill ». L’échange resta aimable.
Le patron du Statec dut tout de même démentir face à ses pairs furibards l’information qui circulait déjà sur la validation de la nomination de Claude Strasser vendredi 16 mars par le Conseil de gouvernement. C’était se méprendre sur la procédure : le conseil d’administration doit donner un avis (qui n’oblige personne d’ailleurs) au conseil de gouvernement, qui donne alors son feu vert définitif à la nomination du nouveau patron de l’EPT. Ça devrait se faire ce vendredi. Il a quand même fallu deux heures et demi d’âpres discussions pour que le conseil se mette d’accord sur un avis unanime et se rallie « à la proposition du ministre ». Donc sans enthousiasme.
Pour Claude Strasser, c’était tout ou rien. L’actuel secrétaire général de la Société électrique de l’Our (un poste d’ailleurs occupé précé-demment par Étienne Schneider, c’est dire une certaine proximité des deux hommes) a exclu de figurer comme simple membre du comité de direction. Il en voulait la présidence et l’a réaffirmé sans en rougir mercredi devant le conseil d’administration. Il n’aurait pas été demandeur et on serait venu le chercher pour qu’il pose sa candidature (il y en a eu une trentaine, dont plus de la moitié de personnes extérieures à l’EPT), ce qui laisse présumer qu’il partait déjà largement favori dans la course à la succession de Marcel Gross.
Interrogé sur la fonction qui l’intéressait au sein du comité de direction, Claude Strasser a dit sans l’ombre d’une hésitation qu’il prendrait les finances, alors que le job est déjà pourvu, Joseph Glod, que tout le monde voyait déjà remplacer Marcel Gross, là aussi avec la quasi certitude que le scénario était écrit d’avance, gérant le département financier.
Est-ce un désaveu pour l’équipe dirigeante en place ? Ça y ressemble. Claude Strasser devra tout de même s’appuyer sur un collège pour diriger la grosse machine publique, avec le risque de ne pas imposer à ses troupes le rythme souhaité pour faire passer les réformes qui seront nécessaires au sein de la maison EPT. Il ne fait pas de doute qu’il est l’homme du ministre et qu’en cas d’échec personnel, la responsabilité en incombera directement à Étienne Schneider, qui prend le pari de mettre un homme jeune, venu du secteur de l’énergie et qui est étranger au fonctionnement très particulier de l’entreprise publique. On ne s’étonnera donc pas qu’on évoque très sérieusement la piste d’une ouverture du comité de direction, actuellement composé de cinq membres à deux nouvelles personnes. D’où viendront-elles : du secteur privé aussi ou d’une promotion interne ? Il s’agit aussi maintenant de préparer le terrain, et vite : l’élargissement du comité de direction requiert l’aval des députés et devrait passer par une loi spéciale aménageant le statut de l’EPT, plutôt que par des modifications de la loi sur la fonction publique.
La prochaine étape qui se dessine désormais à l’horizon de l’EPT, outre le grand chantier de la libéralisation postale et les incertitudes sur le réseau du très haut débit (lire ci-contre), sera le renouvellement du conseil d’administration, et notamment de son président, dont le mandat vient à échéance à la fin de l’année. Les arbitrages s’annoncent sanglants.