Un centre de gravité placé très haut, une voix qui porte, Sébastien Cuvelier n’est pas des silhouettes qui s’inscrivent avec discrétion dans le paysage. Si l’équation est efficace sous nos latitudes, on imagine sa portée lorsque l’homme déambule, appareil photo en bandoulière, dans les contrées les plus reculées du contient asiatique. Une prédisposition qu’il complète par une faculté à aller à la rencontre de son sujet, comme en atteste la série de clichés Fascination Street à découvrir dès le 13 mai dans la galerie de la Kulturfabrik. Des grands formats nourris de la détermination de ce Belge formé à la finance, actif chez PwC, que l’on connaît autant pour ses activités de DJ – grâce notamment au collectif Elektrash, récemment disparu – que de programmateur pour le festival des Aralunaires (Arlon) actuellement en cours.
« Je n’ai pas choisi d’être un touche à tout. Cela tient parfois du hasard, toujours de la passion, » explique-t-il. « Le deejaying, cela a commencé par une soirée où j’ai passé de la musique pour des amis. De fil en aiguille, je me suis investi jusqu’à créer Elektrash. Parce que c’était le seul moyen que je voyais de partager la musique que j’aimais ». Un sens du partage et de l’échange qui explique une passion viscérale pour le voyage. « Je suis parti un an à Pittsburgh au terme de mes études, en 1998. Plus tard, j’ai mis à profit les congés légaux que m’offrait mon emploi pour multiplier les destinations ». De l’Amérique du Sud à l’Asie, Sébastien accumulera un sentiment de ‘trop peu’, jusqu’à cette année 2009 où il décide de négocier une année sabbatique, la crise facilitant ce genre d’initiative. Sébastien Cuvelier : « J’ai trouvé une oreille attentive à ma requête. C’était un contexte d’autant plus idéal car j’étais vraiment pris par l’urgence de voyager, notamment de revenir aux Philippines et en Asie du Sud-Est » se souvient-il. En quelques semaines, il imagine un itinéraire, s’assurant d’une certaine flexibilité et d’un rythme volontairement lent : « L’ambition était, précisément, de sortir de la logique des voyages courts, préparés, organisés. Marcher, recourir aux transports en commun, cela permet d’être au plus près des réalités d’un pays ».
Une réalité qu’il affrontera en n’hésitant pas à devenir, pendant deux mois, travailleur social auprès d’enfants des rues à Manille. « C’est forcément quelque chose qui vous marque, qui vous laisse des souvenirs impérissables ». Un mot peut-être précipité lorsque l’on connaît l’attachement de Sébastien à la matière photographique et l’emprise d’une certaine forme de nostalgie sur sa vie : « L’un de mes ‘trucs’ pour photographier les locaux, c’est de leur expliquer que je souhaite garder un souvenir précis des visages. Mais ce n’est pas qu’une astuce pour qu’ils acceptent de poser, cela permet de créer quelques liens, mêmes éphémères. Dans ce genre de voyages, aussi étalés dans le temps, il est difficile de tout garder en mémoire. La photo fut effectivement, au départ, un moyen de conserver un maximum de souvenirs, d’émotions, d’instants ». Ceux qui connaissent Sébastien savent qu’il lui est impossible de se contenter d’une approche de surface, quel que soit le sujet. La photographie n’échappera pas à cette règle. Exerçant son œil, potassant des ouvrages spécialisés, multipliant – notamment pendant ses voyages – les rencontres avec d’autres photographes depuis une dizaine d’années, il se fabriquera rapidement un univers propre dont la colorimétrie, les jeux sur la profondeur de champ et le travail du sujet rendront rapidement son travail cohérent. Sébastien Cuvelier : « Je me suis, au départ, notamment intéressé à la photographie architecturale. Mais je me suis vite rendu compte que c’était une discipline à part entière, et que ce n’était pas celle dans laquelle je trouverais le plus de satisfaction. Ce qui m’intéresse vraiment, c’est la place de l’individu, son inscription dans l’espace sociétal, ici urbain ».
Déjà engagé dans un travail photographique au profit de la Croix Rouge et ayant pour sujet la prostitution au Luxembourg, le voilà donc aux commandes d’une exposition pour laquelle le travail de sélection ne dut, encore une fois, rien au hasard. « Je disposais d’une somme de clichés énorme. J’ai choisi de centrer cette exposition sur l’Extrême-Orient, le Japon et la Corée. Parce que les espaces urbains offrent, à Tokyo ou à Séoul, d’invraisemblables confrontations entre l’homme et son environnement ». Loin de la photo touristique, il se dégage d’une vue de Sébastien une certaine ‘chaleur froide’, comme si au moment de déclencher, l’auteur regrettait déjà de devoir quitter la scène.