De Läb, combo luxembourgeois de hiphop ! Naguère, L’évocation d’un hiphop en luxembourgeois aurait fait sourire et doit, certainement, encore le faire ici ou là. Il est vrai qu’un « ech hun dech gär » sonne bien plat en comparaison de cette déclaration déclamée en d’autres idiomes… Mais le luxembourgeois recèle, bien évidemment, d’autres richesses et a semblé pour De Läb, la seule langue pouvant être utilisée, donc crédible, car maternelle, pour déclamer leurs textes. Bien leur en a pris, car les flows des deux mc’s Corbi et Fluit coulent avec un évident naturel sans jamais paraître forcé sur les beats de Spenco. Cette déclaration de foi est dérivée en huit variations sur leur premier EP autoproduit D’Wourecht EP.
Ce choix linguistique leur permet de se démarquer dans la scène hiphop luxembourgeoise, fourmillante mais fortement marginalisée en comparaison à d’autres musiques amplifiées. D’autre part, l’ombrageuse influence des scènes françaises et allemandes ne se fait pas trop sentir, contrairement à d’autres formations qui s’expriment dans ces idiomes. De plus, le champ lexical luxembourgeois, avec ses contraintes et ses libertés, leur ouvre de nouvelles perspectives.
En effet, il n’est pas question de se la jouer bad boy ou gangsta, ce qui en luxembourgeois sonnerait très vite assez ringard. Le souhait de véracité et de crédibilité, élément primordial, dicte ces choix. Au lieu de ça, le sens de la formule est affiné, la rime est pleine de trouvailles pas piquée des vers, l’improvisation et le freestyle peaufinés explosent tout en s’inspirant, en filigrane, de la vague rap cool old school comme le pratiquent encore De La Soul, Pharcyde, Jurassic 5, A Tribe Called Quest, mais aussi de la scène allemande.
Les beats de Spenco cadrent aussi dans cet esprit, tout en renvoyant aussi à d’autres modeleurs et beatsmakers de la scène US versant east coast comme Pete Rock, Madlib, feu Jay Dee ou encore DJ Premier de Gangstarr. Pour l’anecdote, notons que le mix et le master a été effectué par Laurent Panunzi, figure connue dans l’underground luxembourgeois rock, qui, avec son avatar Z-Town Massive, s’essaie aussi à la culture hiphop. Se détachent du lot dans cet ep : Stop zu boom, morceau où sur un groove dandinant et paresseux se greffent quelques notes d’un saxophone jazzy ; Trank vun der Vernonft au beat lourd sur fonds d’un vieux sample de musiques de films ; sans oublier, En dilatéierte Meinden, qui évoque Gangstarr par le minimalisme et le cool qui en émane.
D’Wourecht EP, ou comment intégrer voire réinventer une langue qui, jusqu’ici n’avait que rarement droit au chapitre. Fiers ambassadeurs de leur langue maternelle et du hiphop luxembourgeois, De Läb posent les premiers jalons d’une entreprise qui devraient les faire connaître au-delà des cercles d’initiés, tout en restant fidèles aussi bien à leurs racines qu’à leur postulat hiphop de base !