Après cinq jours de blocage dû au nuage de cendre né de l’irruption d’un volcan islandais, les vols ont progressivement repris en Europe, conformément à la décision prise par le Conseil des ministres des Transports, réuni par vidéoconférence, de rouvrir une partie de l’espace aérien européen au trafic. L’organisation européenne pour la sécurité de la navigation, Eurocontrol, a opté pour un découpage du ciel européen en trois zones géographiques en fonction du niveau de contamination par les cendres volcaniques : l’une proche du centre des émissions, où le passage des avions reste interdit ; une seconde où la concentration des cendres est moindre et où le trafic peut être autorisé tout en étant l’objet d’un suivi rapproché et une troisième où aucune restriction n’est mise en place. Une réévaluation des contours de cette zone interdite, représentant environ un tiers de l’espace affecté par le nuage est opérée toutes les six heures. Le Luxembourg est concerné comme le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays Bas et le sud de la Scandinavie. Eurocontrol établit une cartographie directement transmise aux autorités nationales de gestion du trafic aérien, qui restent seules compétentes pour décider d’autoriser ou d’interdire le trafic. « Le modèle est évolutif, plus précis et plus dynamique que celui utilisé jusqu’à présent », a indiqué Diego Lopez Garrido, le secrétaire d’État espagnol aux Affaires européennes devant la Parlement européen à Strasbourg le 20 avril, où un débat avait été programmé en dernière minute.
Il tenait ainsi à dédouaner le système de coordination mis en place au niveau européen qui avait été la cibles de critiques virulentes de la part notamment de l’Association des compagnies aériennes internationales (IATA), mais aussi de la part de plusieurs députés européens. Le 19 avril, Giovanni Basignani, le directeur général de l’IATA, avait fustigé le manque de coordination et de leadership au niveau européen. L’eurodéputé luxembourgeois Robert Goebbels a quant à lui critiqué « la démission des responsables, la lâcheté des experts, et l’impuissance de la politique, qui se limitent à parloter sur la nécessité de réduire notre trop grande dépendance des transports aériens » et qui en vertu du principe de précaution renoncent à assumer leur responsabilité, « même si l’expérience a prouvé que les cendres volcaniques ne sont pas réellement dangereuses pour les avions devant traverser un nuage compact ». « Je crois, a-t-il ajouté, que l’Union européenne a réagi comme il faut à cette énorme crise ». La difficulté de gérer le problème est due selon lui au « niveau de gravité élevé » de l’événement et au « peu de capacités juridiques » dont dispose l’UE pour adopter une stratégie.
La sécurité aérienne est une compétence légale des États et non de l’Europe : « Il y a eu une coordination évidente », a-t-on assuré. « Il serait injuste et faux de dire que le modèle européen n’a pas fonctionné », a surenchéri Siim Kallas, le commissaire aux transports, en faisant état d’une intense coordination tout le week-end précédent avec les experts et autres organismes indépendants. Pour le président de la Commission José Manuel Barroso, ce qui est « incroyable », ce sont les critiques : « la décision a été prise par chaque régulateur européen ». Et si le « modèle doit rester intergouvernemental, selon Siim Kallas, on ne peut pas pour autant se contenter d’une approche nationale ».
Car ce qu’a révélé cette crise, c’est bien la nécessité de mettre en place une « coordination plus précise dans les actions à l’échelon européen et une coopération plus étroite entre les États », a déclaré le commissaire. Sa porte-parole a fait état le 19 avril de discussions sur l’accélération de la mise en place d’un ciel unique européen, ce cadre législatif adopté en novembre 2009, qui prévoit l’instauration d’un gestionnaire de réseau de trafic aérien susceptible d’aller au-delà du simple rôle de coordination, aujourd’hui dévolu à Eurocontrol, sur la base de neuf grandes régions identifiées sur le territoire de l’UE et qui seraient opérationnelles en service en 2012. Le Luxembourg serait dans le plus important des groupes, le bloc l’espace aérien fonctionnel Europe centrale (Fabec), qui représente la moitié du trafic européen avec l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, la Belgique et la Suisse. Le Parlement pourrait adopter une résolution lors de la mini-session plénière de Bruxelles des 5 et 6 mai. Un Conseil Transport extraordinaire pourrait également être organisé par la présidence espagnole sur la situation du secteur aérien.
Autre volet mis en avant par les opérateurs aériens qui nécessitera l’intervention des États : la prise en charge des coûts de cette crise. Les compagnies aériennes ont été les premières à demander le soutien public. L’IATA a chiffré les pertes journalières à près de 190 millions d’euros. Les aéroports ont estimé les pertes au 19 avril à 136 millions d’euros. La banque britannique Royal Bank of Scotland a évalué à 500 millions d’euros par jour la perte de productivité liée aux millions de salariés empêchés de se rendre à leur travail par le nuage de cendres. Tout en soulignant qu’il était prématuré de parler d’un tel soutien tant que les compagnies ne disposaient pas d’une estimation plus précise de leurs pertes, la Commission n’a pas exclu la possibilité de mettre en place d’éventuelles aides étatiques, en cas de circonstances exceptionnelles liées à une telle catastrophe naturelle, comme elle l’a autorisé après les attentats du 11 septembre 2001. Elle a néanmoins prévenu quelle veillerait à ce que les États agissent de manière non discriminatoire, selon une méthode d’évaluation des pertes transparentes et sans prétexter de cette crise pour soutenir des compagnies par ailleurs affaiblies par la récession économique.