Durant dix jours, jusqu’à demain, les jeunes architectes, urbanistes et sociologues internationaux inscrits à la première Schengen Summer School de l’Université du Luxembourg discutent des questions liées aux migrations : comment l’urbanisme et l’architecture peuvent-ils réagir à l’arrivée massive de nouveaux migrants, souvent des demandeurs de protection internationale ? Comment améliorer leurs conditions de vie, concilier les attentes légitimes d’un accueil digne et le rejet de la population locale ? Demain, samedi 10 septembre, les participants aux workshops présenteront leurs résultats et la sociologue Saskia Sassen donnera une conférence de clôture (voir ci-contre).
Alors, certes, le sujet des réfugiés est un peu sorti des actualités depuis l’accord avec la Turquie. Les images des familles avec enfants épuisés et en pleurs portant des vestes de sauvetage oranges arrivant sur les côtes grecques ou italiennes ont été chassées des informations par celles du coup d’État en Turquie et de ses purges par le régime, de celles des feux de forêts, des Jeux olympiques ou du tremblement de terre en Italie. Mais pour les demandeurs de protection internationale déjà arrivés sur le continent, la situation ne s’est guère améliorée. Ils vivent dans des camps provisoires, dans des tentes, des bâtiments vétustes et des foyers improvisés – au Luxembourg, le Foyer Don Bosco, en très mauvais état et qui devait être rasé après l’ouverture du Lily Unden adjacent l’année dernière, a dû être réquisitionné pour faire face à l’afflux massif. Dans les villes et villages définis par le gouvernement pour accueillir des villages conteneurs – Steinfort et Mamer notamment, Diekirch étant le plus avancé –, des citoyens s’opposent par tous les moyens à leur disposition, surtout des recours devant le tribunal administratif contre les Plans d’occupation du sol, à l’arrivée de quelque 300 demandeurs de protection internationale dans leur voisinage. Prévus pour cette année, ces nouveaux villages risquent de ne finalement ouvrir qu’en 2017, tombant en plein dans la campagne des élections communales. Ce qui fait craindre des répercussions sur le résultat de ces élections, notamment une virée à l’extrême-droite, comme on vient de l’observer en Allemagne.
Au quotidien, il y a l’engagement des ONGs qui encadrent les demandeurs de protection internationale, en premier lieu la Croix-Rouge et la Caritas. Il y a l’enthousiasme de milliers de bénévoles qui continuent à enseigner l’alphabet romain et les langues officielles à ces arabophones nouvellement arrivés. Il y a les projets culturels comme le Hariko ou l’asbl Mir wëllen iech ons Heemecht weisen. Il y a les plus de dix millions d’euros mis à disposition par l’Œuvre nationale de secours grande-duchesse Charlotte pour son programme Mateneen, pour des projets d’intégration et d’échange avec les demandeurs de protection internationale. Et il y a un gouvernement qui s’est montré, jusqu’à présent, humain, engagé et compréhensif pour ces nouveaux arrivants. Mais la vraie question qui se pose maintenant, c’est celle de solutions réelles et durables pour l’intégration des réfugiés. En 2016, un millier de personnes a déposé une nouvelle demande de protection internationale, dont seize pour cent de Syriens et treize pour cent d’Irakiens (chiffres du ministère de l’Immigration, à la fin juillet) ; en 2015, ils étaient 2 500. Le taux de reconnaissance du statut atteint désormais 37,6 pour cent des demandes, ce qui est une augmentation considérable par rapport aux quelques pour cent habituels les années précédentes. Il faut donc se rendre à l’évidence que beaucoup de ces gens-là sont destinés à rester, « parce qu’ils n’ont plus de maison où aller » comme le dit Saskia Sassen dans notre entretien.
Alors il ne suffit plus de prévoir des mesures d’urgence pour une situation extraordinaire, mises en place, c’est significatif, avec le Haut commissariat à la protection internationale (responsable, par ailleurs, de le surveillance de la menace terroriste), dans toutes sortes de bâtiments désaffectés – halls commerciaux, hôpitaux, centres culturels. Ce qu’il faut désormais, c’est penser à l’autonomisation des demandeurs de protection internationale, empowerment disent les Anglais : leur garantir un accès réel au marché du travail, qui leur permette de devenir indépendants des aides d’État ; rendre possible l’accès à des logements dignes, durables et finançables, qui font si cruellement défaut au Luxembourg (ce qui est, pourtant, une condition sine qua non pour la régularisation des jeunes élèves qui profitent de la mesure exceptionnelle leur permettant de rester après quatre ans de scolarisation ininterrompue au Luxembourg). C’est par la participation à la vie quotidienne que les réfugiés s’intègrent vraiment, par le sentiment qu’ils font partie de la société dans laquelle ils vivent, qui veut profiter de leurs compétences et non les exclure. « These transitional spaces – arrival cities – are the places where the next great economic and cultural boom will be born », écrit Doug Saunders dans son séminal Arrival City (Windmill Books, 2011), « or where the next great explosion of violence will occur. The difference depends on our ability to notice, and our willingness to engage. »