La réduction de la durée du congé parental de six à quatre semaines devrait faire économiser à l’État vingt millions d’euros, selon les calculs du ministre des Finances, Luc Frieden la semaine dernière, lorsqu’il a dévoilé le paquet de mesures pour dégraisser les dépenses publiques. Le budget 2010 a prévu cinquante millions d’euros. En 2009, cela faisait un montant de 44 262 000 euros et en 2008, 45 489 108 euros ont été transférés aux parents désireux de s’occuper de leur enfant pendant six mois à plein temps ou un an à mi-temps. Luc Frieden voudrait donc couper ces dépenses de quasiment la moitié, en réduisant d’un tiers la période du congé parental – désindexé depuis 2006.
De toute manière, le gouvernement avait déjà annoncé qu’il allait se pencher sur ce dossier dès son entrée en fonction. Dans le programme gouvernemental de 2009, il est précisé que « le système du congé parental, entré en vigueur le 1er mars 1999, devra être évalué quant à ses objectifs et finalités. Selon le résultat de cette étude, le Gouvernement procédera à une refonte de la législation en envisageant une flexibilisation des périodes de congé. Une révision du congé parental est envisagée suite à la signature du nouvel accord-cadre par les partenaires sociaux le 18 juin 2009 ». Or, cet accord-cadre européen est le résultat de négociations qui prend en considération la situation des États-membres de l’UE, un consensus qui n’est donc pas loin du plus petit dénominateur commun. Au niveau européen, il s’agit d’une avancée, car la directive n’impose que trois mois de congé parental aux États-membres. Les partenaires sociaux ont réussi à augmenter cette durée d’un mois, l’un de ces quatre mois n’étant pas transférable d’un parent à l’autre – cette disposition doit inciter les pères à prendre eux aussi le congé parental. Mais comme le grand-duché avait été plus généreux lors de la transposition de la directive dans le plan d’action national en faveur de l’emploi en 1999, l’adaptation aux accords européens se traduira par une détérioration de la situation. D’un autre côté, cet accord donne la possibilité aux parents de prendre le congé parental jusqu’aux huit ans de l’enfant – ce délai est aujourd’hui de cinq ans au Luxembourg. En outre, l’accord s’applique à tous les travailleurs, quelle que soit la forme de leur contrat – à durée déterminée et travail intérimaire inclus.
La Caisse nationale des prestations familiales propose en outre la création d’une prestation unique au lieu des deux mesures : congé parental et allocation d’éducation. Ceci permettrait de mieux gérer cette prestation au niveau international. La CNPF s’appuie ici sur les résultats d’une étude qui n’est pas publique. Sans doute parce que la décision finale relève du domaine politique.
Le congé parental n’a pas eu l’effet escompté de favoriser l’emploi, note aujourd’hui le gouvernement pour justifier son raccourcissement à quatre mois. Beaucoup d’entreprises renoncent effectivement à remplacer le poste vacant et les appels pressants du Premier ministre1 de bien vouloir embaucher des chômeurs pour remplacer les quelque 3 000 parents en congé parental n’y ont rien fait. Car c’est aussi l’occasion pour certaines entreprises de se refaire une santé financière. Mais ça, les employeurs, qui ont toujours été hostiles à cette mesure, n’ont pas été le crier sur tous les toits.
Cependant, l’emploi n’a pas été le seul but du congé parental. Il y a surtout le besoin de concilier vie professionnelle et vie familiale. Un des enjeux est d’ailleurs aussi d’encourager les femmes à rester sur le marché du travail, même si elles ont fondé une famille. La question que certains se posent maintenant est de savoir si elles ne seront pas davantage tentées de démissionner pour se consacrer pleinement à l’éducation de leurs enfants. D’autre part, cette mesure de politique familiale avait aussi pour but d’augmenter le taux de fécondité qui ne suffit toujours pas pour atteindre le seuil de renouvellement de la population.
La véritable faiblesse du congé parental est la maigre participation des pères – ils étaient 23,6 pour cent en 2005. C’est la raison pour laquelle d’autres gouvernements européens rémunèrent le congé parental par une proportion au revenu d’activité, alors que le Luxembourg a préféré introduire un montant forfaitaire de 1 778,31 euros par mois. Les effets pervers s’en font ressentir aujourd’hui. Selon une étude du Ceps2, « le faible recours des pères aux congés familiaux a pour conséquence de stigmatiser les femmes sur le marché du travail, ce qui fait obstacle à la conciliation vie professionnelle -– vie familiale. »
Six mois après une première refonte du congé parental, le député Claude Meisch (DP) exigeait dans une interpellation3 au parlement une nouvelle adaptation de cette mesure avec entre autres une réduction de la période de congé à trois mois. Les libéraux n’auront donc pas à se plaindre aujourd’hui quant à la volonté du gouvernement de réduire la durée du congé. Or, dans sa réponse au député, la ministre de la Famille, Marie-Josée Jacobs (CSV) s’était fermement opposée à cette idée à l’époque. Elle était d’avis que, du point de vue politique familiale, une réduction serait une régression massive (e gewaltege Réckschlag), car tous les spécialistes étaient d’accord pour reconnaître que les premiers mois de vie d’un enfant étaient les plus importants.