La Commission européenne a publié, le 1er avril, un document de travail sur les financements innovants, dans lequel elle se montre réservée sur l’instauration d’une taxe carbone. Elle analyse le potentiel des instruments de financement novateurs à l’échelle mondiale en ce qui concerne le secteur financier, le changement climatique et le développement, afin de déterminer quelles sont les options les plus prometteuses, conformément à la demande formulée par le Conseil européen d’octobre 2009.
En mars dernier, le Parlement européen a également demandé à la Commission d’analyser l’impact d’une taxe mondiale sur les opérations financières, par rapport à d’autres sources potentielles de recettes. Parallèlement, les dirigeants du G 20 ont demandé au FMI d’élaborer un rapport sur la manière dont le secteur financier pourrait apporter une contribution juste et substantielle au financement des charges liées aux mesures prises par les gouvernements pour renflouer le système bancaire.
La Commission souligne la nécessité dans un contexte de crise économique et financière mondiale, d’un assainissement budgétaire dans les pays de l’UE et dans le monde et de trouver des ressources pour relever les principaux défis mondiaux en matière de stabilité financière, de changement climatique et de développement, dont les répercussions budgétaires sont importantes. « Même si la réduction des dépenses et l’amélioration des systèmes fiscaux existants doivent rester la principale réponse à ces défis budgétaires et mondiaux, de nouvelles méthodes pour générer des recettes publiques – le financement novateur – peuvent apporter une contribution non négligeable », indique le communiqué de Bruxelles. Pour Olli Rehn, membre de la Commission européenne chargé des affaires économiques et monétaires, «l’assainissement budgétaire est nécessaire pour une croissance durable et la création d’emplois. C’est pourquoi, il faut aussi évaluer le potentiel de recettes des instruments de financement novateurs ». Les ministres européens des Finances en discuteront lors d’une réunion à Madridce week-end, avec pour objectif de parvenir à une position commune avant la prochaine réunion du G20 en juin à Toronto (Canada).
Une taxation des énergies fossiles, également appelée mécanisme « d’ajustement aux frontières », est envisagée pour protéger l’industrie européenne contre une concurrence déloyale de produits importés de pays laxistes sur leurs émissions de CO2, en cas d’échec des négociations internationales sur le climat. Ce mécanisme consisterait à taxer aux frontières de l’UE les produits provenant de pays qui ne s’imposeraient pas les mêmes contraintes de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Il s’ajouterait au système d’échange de quotas d’émissions, par une meilleure coordination, au niveau de l’UE, de l’intégration des éléments de la taxation du carbone dans les taxes sur l’énergie déjà existantes. Pour qu’une taxe carbone aux frontières de l’UE puisse voir le jour, il faudrait impérativement qu’elle soit mise en place dans un cadre d’action cohérent à l’intérieur de l’Union, mais souligne la Commission, cela impliquerait des coûts administratifs très élevés, le taux de la taxe variant selon la nature des émissions par produits. Autres inconvénients : des rabais devraient être consentis pour éviter une augmentation du prix des biens intermédiaires et sur les exportations pour préserver la compétitivité des États membres. En outre, cette taxe devrait être compatible avec les règles de l’OMC, ce qui ne suffirait probablement pas à éviter des conflits et des mesures de rétorsion notamment venant des États-Unis ou de la Chine. Aussi, l’exécutif européen préconise-t-il plutôt d’allouer gratuitement les quotas d’émissions de l’EU-ETS (le marché du carbone européen) aux secteurs très consommateurs d’énergie afin d’éviter des délocalisations. Ce rapport tend ainsi à infirmer les propos du Président français, Nicolas Sarkozy, qui a assuré que la Commission proposera, en juin prochain, la mise en place d’un mécanisme de taxe carbone.
Une taxe sur les banques de l’UE, en vue de financer une partie du coût de la crise financière, pourrait « générer des revenus substantiels » et améliorer la stabilité du système, selon le document de travail. Pour Michel Barnier, Commissaire chargé du marché intérieur et des services, « le secteur financier doit contribuer aux coûts de la stabilité financière. C’est l’un des principes fondamentaux qui doivent inspirer l’action que nous menons pour créer un cadre de gestion des crises en Europe ». Une telle fiscalité aurait l’avantage de limiter les comportements indésirables de la part des institutions financières, et pourraient être administrés à un coût raisonnable.
La Suède constitue en Europe un laboratoire. Une telle taxe en vigueur depuis fin 2008. Des chercheurs, qui ont examiné le fonds de stabilité suédois, ont souligné le fait qu’il avait l’avantage de cibler une large gamme de bilans, mais ont déploré l’idée d’un taux uniforme, qui n’enverrait pas un signal positif aux banques. Le taux applicable en Suède de 0,036 pour cent devrait représenter 2,5 pour cent du PIB en 15 ans et pourrait permettre de « lever des revenus annuels estimés de 13 milliards dans l’UE indique le document. Si le taux suggéré par les Américains de 0,15 p.c. lui était préféré, alors les recettes fiscales atteindraient plus de 50 milliards d’euros pour l’UE.
Une autre option réside dans une taxation sur les transactions financières qui générerait des revenus estimés à 20 milliards d’euros en Europe. Elle n’est pas exempte d’inconvénients : elle pourrait provoquer des délocalisations des transactions financières dans d’autres régions, ou encore concentrer les revenus essentiellement collectés dans les centres financiers comme le Royaume-Uni, et donc engendrer une asymétrie entre pays membres.
Les ministres des Finances de l’UE vont maintenant digérer toutes ces informations et préparer une position commune avant la prochaine rencontre du G20 à Toronto au Canada en juin.