Le jeune public fréquente-t-il davantage les musées depuis qu’Octavie Modert, la ministre de la Culture, CSV, en a décrété la gratuité en mai 2011 ? Il est trop tôt pour en mesurer l’impact en termes de fréquentation, la gratuité (jeunes de moins de 21 ans et étudiants jusqu’à 26 ans) n’ayant été introduite qu’à partir de janvier dernier par les grandes institutions de la capitale pour des questions d’organisation.
L’initiative, jugée d’ailleurs « populiste » par Jo Kox, le directeur administratif du Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain et coordinateur du groupement d’Stater Muséeën, pourrait d’ailleurs s’avérer peu efficace si elle n’est pas accompagnée d’une vraie campagne de sensibilisation et de communication à l’adresse de son public cible. Les adolescents restent un des publics les plus difficiles à faire déplacer dans les musées et à sensibiliser : « Que ce soit payant ou gratuit, déplore Jo Kox, il est très difficile pour nous comme institution de les approcher ».
Si les enfants du cycle fondamental, pour lesquels une visite au musée est d’abord une occasion de sortir de l’école ou du foyer avec les éducateurs ou les maîtresses, n’ont pas vraiment d’autre choix que de suivre le groupe, c’est une autre affaire pour les lycéens ados peu enthousiastes à l’idée de devoir consacrer une de leurs après-midis de loisir à la visite d’un musée, souvent associée à une occupation pour la vieille garde.
La troisième édition Expérience Musée, la semaine jeunes publics initiée par le groupement d’Stater Muséeën, du 27 février au 4 mars 2012, s’est traduite par une fréquentation en hausse par rapport à l’édition précédente en 2011, qui avait fait venir 1 500 jeunes et professeurs de tous les lycées du grand-duché. Cette année, l’initiative a mobilisé encore davantage d’étudiants, selon des chiffres provisoires de Jo Kox, l’essentiel du jeune public ayant été au Casino et au Mudam. C’est plutôt encourageant pour les organisateurs dont le premier objectif immédiat « est de susciter l’intérêt des jeunes pour les musées », avec l’ambition en filigrane de « construire des partenariats durables », outre celle aussi de « libérer la créativité des jeunes ».
L’initiative de la ministre de la Culture d’introduire la gratuité aux jeunes avait surpris tout le monde au printemps 2011, à commencer par les responsables des institutions culturelles eux-mêmes, qui n’avaient pas été avertis au préa-lable de cette annonce et furent un peu pris de court. Jo Kox avait d’ailleurs peu aimablement réagi en demandant à Octavie Modert quel était l’accompagnement budgétaire qu’elle allait mettre en place pour sensibiliser le jeune public. La seule mesure concrète se résume pour l’heure à l’édition à 5 000 exemplaires d’une carte postale distribuée dans les lieux réputés fréquentés par les jeunes. Le ministère de la Culture est sur le point, selon Jo Kox, d’éditer un dépliant mentionnant la gratuité des entrées aux musées. Mais ces mesures risquent d’être insuffisantes pour vraiment toucher leur cible, car c’est à travers une campagne de publicité sur des medias « de jeunes », comme Eldoradio, que le message a le plus de chance de porter. Mais ça coûte plus cher que des cartes postales.
Quoi qu’il en soit, le prix d’une entrée au musée n’est certainement pas une considération dissuadant le public, quel que soit son âge, d’y aller. « On peut sensibiliser les jeunes uniquement à travers des collaborations spécifiques et transversales, comme la venue de groupes hip hop ou d’un jeune graphiste en parallèle à une exposition », indique Jo Kox. Tout se fait par réseau et le bouche à oreille se révèle un canal de communication le plus efficace, mieux sans doute que Facebook, les « amis » du Casino ou du Mudam sur le réseau social ayant pour l’essentiel dépassé le cap de la trentaine. Un jeune qui danse ou qui joue à l’invitation d’une institution culturelle fait venir ses copains et les copains des copains. C’est la seule manière d’intéresser durablement les jeunes à la cause.
Parce que le rôle d’un musée ne se résume pas à attirer les visiteurs, à faire dans la masse. Certains publics ne viennent aux musées qu’une fois par an lors d’évènements spéciaux comme l’Invitation aux musées et c’est souvent animés d’intentions totalement étrangères à l’intérêt pour l’art. Beaucoup se déplacent pour voir comment leurs impôts ont été dépensés. On imagine aisément que ce n’est pas le public favori des dirigeants de musées. Jo Kox considère d’ailleurs que la gratuite des musées, à l’échelle luxembourgeoise, est un « sujet de scène », surtout parce que le financement des institutions culturelles via les entrées ne constitue qu’une part infime de leur budget et qu’en comptant les vernissage et autres événement, les entrées non-payantes représentent déjà entre 40 et 50 pour cent du nombre de visisteurs. Entre cinq et dix pour cent seulement d’ailleurs des recettes des musées de la capitale proviennent des entrées.