S’il y a un truc pratique dans la religion catholique, c’est l’absolution : tu commets un péché, tu te confesses au curé, tu fais pénitence (quelques prières, un peu d’abstinence) et hop, tu sors du processus blanc comme neige, pas un péché sur l’âme, liaison directe vers le ciel. Un reboot, dirait-on aujourd’hui.
La pénitence de la politique, c’est la compensation : tu abats des arbres pour construire la Nordstrooss ou un énorme complexe résidentiel avec 90 pour cent de surface scellée par du béton et de l’asphalte ? Pas grave, tu peux compenser en faisant planter de jeunes arbres dans l’Œsling. Tu prends l’avion tous les quinze jours en classe business pour aller arroser tes plantes vertes dans ta résidence secondaire, mais tu votes écolo : pas tragique, tu peux te racheter une conscience en versant tes pièces jaunes dans un projet de compensation qui soutient des communautés indigènes en Amérique latine ou les koalas en Australie.
L’industrie compense ses émissions de gaz à effet de serre, les banques compensent, les assurances compensent... En psychanalyse, la compensation est, selon le Larousse, l’« ensemble des manifestations par lesquelles un sujet tend à surmonter une situation d’infériorité ou de frustration ».
En politique, la logique du « en même temps » si chère à Emmanuel Macron permet de faire une chose et son contraire. Ce social-libéralisme est particulièrement frappant dans le gouvernement en place, qui doit faire d’énormes écarts idéologiques entre les libéraux, les socialistes et les écologistes. Le plan climat en est l’exemple le plus flagrant : là où les Verts voulaient des mesures incisives de nos modes de vie, notamment dans le domaine de la mobilité, les socialistes n’ont donné leur accord qu’avec la garantie d’une compensation sociale. « Je suis très fier que nous ayons trouvé ce consensus dans la politique climatique qui impose, dans la loi, une compensation sociale de toute mesure en faveur du climat – ce qui nous permet de concilier les deux priorités politiques. Pour moi, il s’agit de la mesure la plus importante qu’il y ait dans la loi sur le climat », affirmait le ministre du Travail et de l’Emploi socialiste Dan Kersch (LSAP) dans une interview avec le Land il y a deux semaines.
« Je n’entends plus que ça : compensation ! On dirait qu’ils n’osent plus faire de politique ! », souffla récemment un haut fonctionnaire, exaspéré par ces paradoxes. Le gouvernement est-il de gauche, de droite ou libéral ? De quoi Xavier Bettel (DP) est-il le nom ? Jusqu’à quel point une croissance économique effrénée est-elle compatible avec une conscience écologique ? La start-up-nation libérale est-elle prête à redistribuer ses richesses ? Le space mining va-t-il générer de l’argent à injecter dans le système de protection sociale ? Le Luxembourg sera-t-il forcé un jour par les instances internationales de compenser des manques à gagner en matière fiscale que subissent les communes frontalières dont les résidents travaillent et payent leurs impôts au grand-duché ? (p.5).
Les attentes vis-à-vis de la grande réforme fiscale du ministre des Finances Pierre Gramegna (DP), annoncée pour cette année, sont énormes : chacun des partis et leurs lobbies lui demandent la quadrature du cercle. De baisser à la fois les impôts sur le revenu et la fiscalité des entreprises, d’améliorer la situation des monoparentaux et de l’économie. Un jour, il lui faudra bien faire des choix. Et donc de la politique.