« Nous sommes probablement les seuls qui soient à la recherche d’un lieu imparfait, qu’on puisse salir ! » Nathalie Ronvaux rit en tournant la cuillère dans son café – le deuxième ou le troisième déjà depuis le début de l’entretien ? L’auteure à succès de romans, nouvelles et pièces de théâtre, a fait le choix, il y a deux ans et demi déjà, de travailler à mi-temps pour l’association Cercle européen pour la propagation des arts, organisatrice notamment de la Summerakademie annuelle, où elle assure la coordination. Après le présentation du programme en mars, les ateliers pour enfants de cette 35e édition affichent déjà complets, traditionnellement, les adultes s’inscrivent plus tard, en juin ou juillet, souvent même à la dernière minute. Entre 450 et 500 élèves, tous âges et niveaux confondus, passent ainsi chaque année les deux premières semaines des vacances d’été en compagnie d’artistes dans les ateliers à Limpertsberg et à Mersch. « Mais nous avons de plus en plus de mal à trouver des locaux appropriés, les lycées, qui nous accueillent gracieusement, font des transformations, constate Lex Weyer, le président de l’asbl. Et souvent, les fours à céramique disparaissent alors dans les caves et font place à des ateliers nickel à l’équipement high-tech. »
Lex Weyer a repris la présidence de l’asbl des mains de Jo Kox il y a six ans, « sous la seule condition que je puisse changer des choses, sinon je n’aurait pas accepté cette charge ! » dit-il. Née de la mouvance de gauche de promotion de l’éducation populaire, comme les bibliothèques populaires, la Summerakademie avait perdu son dynamisme après trente ans d’existence, le conseil d’administration constitué des anciens se réunissait uniquement pour décider de continuer le même programme que l’année dernière, avec les mêmes cours, les mêmes chargés et au même endroit. Ce qui lui valut une image poussiéreuse. « Souvent, on nous reproche encore aujourd’hui de n’être qu’une crèche pour les enfants pendant les vacances, regrette Lex Weyer, et pourtant, nous nous donnons tellement de mal à offrir des cours de qualité et à innover peu à peu... »
Même si, comme chaque organisation avec une longue tradition, les changements ne sont pas des révolutions, il y en a eu, des initiatives remarquables depuis deux ans. De nouveaux cours dans le programme d’été – comme Autour du papier – Origami et pop-up avec l’artiste Sandra Biwer, ou Danse contact avec Gianfranco Celestino –, qui peinent davantage à trouver leur public que les traditionnels dessins de nu, gravure ou écriture créative. De nouveaux chargés de cours ont fait leur entrée dans l’offre et de nouveaux membres ont rejoint le conseil d’administration : le psychiatre Paul Rauchs, l’historien d’art et curateur Hans Fellner, l’architecte Anouck Pesch ou encore l’artiste Pitt Wagner. « Ils apportent de nouvelles idées et des points de vue différents, se réjouit Lex Weyer. Ils posent souvent des questions intéressantes, qui nous font avancer. »
En outre, en 2014, deux nouveaux événements récurrents ont été lancés : Shake Art sont des rencontres transdisciplinaires entre deux créateurs ou intellectuels de domaines très différents qui se déroulent en public dans le bar Kjub à Hollerich, et l’Artist Breakfast est un voyage en bus oldtimer, le samedi matin, vers l’atelier d’un artiste, avec rencontre autour d’un café-croissant et la médiation de Hans Fellner. « Ces événements nous permettent non seulement de dynamiser notre association, mais aussi de nouer de nouveaux contacts avec les artistes et le public », explique Nathalie Ronvaux, qui a elle-même un grand talent communicatif.
Toutes ces nouvelles idées et initiatives auraient, dans l’idéal, une suite : le Cepa rêve d’un développement de ses activités sur toute l’année. « Ce serait, à nos yeux, notre seule chance de garantir notre avenir », estime Lex Weyer. Mais pour pouvoir le faire, il faudrait davantage de moyens financiers – actuellement, le Cepa fonctionne avec 90 000 euros de dotation annuelle de la part du ministère de la Culture –, et une infrastructure qui puisse accueillir les bureaux (actuellement installés dans un bâtiment administratif anonyme de la rue Adolphe Fischer) ainsi que, surtout, ces ateliers et conférences potentiels. Un concept avec une demande d’aide subséquente a été soumis au ministère de la Culture, les pourparlers sont en cours.
L’idée serait d’aller davantage en direction d’une formation continue pour professionnels, en offrant des masterclasses, des stages et des conférences qui encouragent le débat et l’échange, aussi entre les artistes eux-mêmes. Avec, toutefois, toujours cette philosophie démocratique et sociale qui fut à la base de la création du Cepa. C’est pourquoi les prix d’inscription restent modestes (entre 170 et 245 euros pour deux semaines de cours) et que les dirigeants du Cercle excluent catégoriquement toute incursion commerciale dans leur organisation, ne serait-ce que la recherche de sponsors. « Notre nom le dit : nous sommes pour la ‘propagation des arts’ et nous comptons le rester ! » souligne Nathalie Ronvaux. « Oui, enchaîne Lex Weyer, mais c’est aussi ce qui assure la place pertinente que nous occupons dans le paysage culturel. »