Ce jour-là, Etienne Schmit étonna. Contrairement aux attentes, le juge de la première chambre civile du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg statuant en matière de récusation du juge Prosper Klein dans l'affaire dite du Collectif Findel, décida mercredi, 23 janvier, de ne pas clore l'affaire. Et ce malgré le fait qu'entre-temps, après quinze pages de plaidoyer de défense, Prosper Klein, vice-président de la neuvième chambre correctionnelle ait fait part de sa résolution de se déporter, donc de ne plus vouloir poursuivre l'affaire. Rupture de délibéré qui amena le procureur d'État, Robert Biever, à conclure pour sa part que la procédure en récusation était devenue sans objet, comme de toute façon, l'affaire ne reparaîtrait plus devant le même juge, accusé de ne pas être impartial.
Tout le monde s'attendait donc à ce que le tribunal décide d'interrompre l'affaire, car « il faut toujours s'arrêter quand le plaisir est le plus grand » comme le formula Robert Biever. Les observateurs s'attendaient à ce que la justice se protège, que la magistrature opte pour la solidarité et veuille avant tout trouver une sortie élégante et ainsi éviter le désaveu d'un confrère. Or il en vint tout autrement : après une brève suspension de séance, Etienne Schmit revint pour annoncer que les trois parties avaient désormais un nouvel échéancier pour répondre à nouveau aux conclusions de la partie adverse avant que l'audience reprenne le 18 février à 18 heures, même lieu.
Car pour la partie accusatrice, Me Marc Elvinger et Me Dean Spielmann défendant les vingt membres du Collectif Findel, le procès a pris valeur symbolique. Où soudain, l'honneur est en jeu, et ce des deux côtés. Ainsi, Prosper Klein se dit victime d'une « campagne médiatique sans précédent » et s'affirme « atteint dans son honneur professionnel » par les reproches de manque d'impartialité que lui firent aussi bien les plaignants que les compte-rendus parus dans la presse. Les avocats du Collectif Findel toutefois estiment que les termes utilisés par le juge Prosper Klein à l'encontre de leurs griefs - « éhonté », « odieux », « dénué de tout fondement » -, pour défendre son honneur à lui, mettent à mal l'honneur de tous les autres. « Je l'ai déjà dit et le répète, il s'agit d'un processus extrêmement douloureux, mais nous devions réagir, » estima, mercredi, Me Dean Spielmann.
Même si les conclusions des deux parties, à hauteur d'une quinzaine de pages chacune, semblent exagérées, qu'elles peuvent ressembler à de « l'art pour l'art », cette affaire semble néanmoins devenir un baromêtre de l'indépendance et la part d'autocritique du troisième pouvoir au Luxembourg. Car la justice se doit d'être au-dessus de tout soupçon. Ce procès, très couvert par les médias, est aussi une sorte de travail de communication, une occasion de montrer patte blanche. Et ce surtout dans une période durant laquelle les magistrats sont en négociations avec le ministre de tutelle, Luc Frieden, pour améliorer leurs conditions de travail et faire amender le projet de réforme des vacances des tribunaux.
En ce qui concerne les poursuites du ministère public contre les militants du Collectif Findel, qui avaient escaladé les clôtures du tarmac de l'aéroport le 4 juillet 2000 et ainsi enfreint la loi de 1948 sur la réglementation aérienne, il dépendra du Parquet s'il entend reprendre les poursuites. De toute façon, suite à la rupture du délibéré du juge Prosper Klein, un nouveau juge devrait en être saisi.
Pour l'affaire du Collectif Findel devant le Tribunal correctionnel, se reporter au Land 02/02