« La perplexité », « l’inquiétude » et « la préoccupation » prévalent dans l’avis que vient de rendre le Lëtzebuerger Flüchtlingsrot (LFR ; Collectif réfugiés) sur le projet de loi n° 6218 transcrivant la directive européenne 2008/115/CE dite « directive retour » en droit luxembourgeois. En effet, les auteurs de l’avis, le premier sur ce projet de loi déposé en novembre dernier (d’Land n° 43/10) s’inquiètent de l’approche du gouvernement dans le texte, « qui est parfois même plus restrictive que celle adoptée dans la directive ». Lorsqu’elle fut discutée au niveau européen, cette directive fut appelée « directive de la honte » par ses détracteurs – c’est dire.
Pour se conformer à la directive, la Chambre des députés devra adapter deux lois en vigueur, celle sur la circulation des personnes et l’immigration de 2008 et celle relative au droit d’asile de 2006. Le Collectif réfugiés fustige surtout les largesses d’interprétation et d’application à tous les niveaux que le projet de texte laisse à l’exécutif, et, partant, le manque de précisions et de garanties de protection du projet de loi. Ainsi, au lieu d’une meilleur protection, le LFR constate une suspicion généralisée à l’encontre des immigrés.
Alors qu’une des avancées attendues dans cette réforme devrait être la mise en place de mesures alternatives au placement en rétention, notamment l’assignation à résidence, le LFR regrette que le texte luxembourgeois n’introduise pas une gradation proportionnelle dans les mesures coercitives à l’encontre de la personne en attente de l’exécution d’une mesure d’éloignement. Ainsi, au Luxembourg, une personne déboutée du statut de réfugié ou se trouvant illégalement sur le territoire et en attente d’être soit renvoyée dans son pays d’origine, soit dans le pays de son entrée sur le territoire européen selon la procédure de Dublin, est systématiquement placée en rétention pour la période que dure la préparation de ce retour (organisation du vol et des papiers notamment). Or, le LFR, en se réfèrant à une étude du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés sur le sujet datant de 2006, estime qu’une approche plus humaine devrait être possible en introduisant des mesures affectant moins gravement les droits humains fondamentaux de la personne concernée que la privation de liberté. Et de citer des bonnes pratiques qui se sont avérées efficaces dans d’autres États, comme la libération sous caution, le contrôle judiciaire, la résidence dans des centres ouverts ou dans des centres semi-fermés. Même la directive n’envisage la rétention qu’en dernier recours. Le LFR demande à ce qu’une énumération de mesures alternatives possibles soit introduite dans le texte de loi.
La méfiance à l’égard des personnes en fin de droits ou se trouvant illégalement sur le territoire semble très largement prévaloir dans l’approche du gouvernement – ce qui explique les nombreuses mesures censées faciliter et accélérer la gestion de leur éloignement. Or, les ONGs regroupées dans le Collectif réfugiés ont une philosophie diamétralement opposée, cherchant à garantir et à protéger les droits fondamentaux de chaque personne jusqu’à la dernière minute qu’elle passe au pays, voire lors de son éloignement. Ainsi, le LFR fustige aussi l’introduction d’une « présomption législativement définie du concept de risque de fuite » dans l’article 111 (3), qui concernerait chaque étranger se trouvant sans visa sur le territoire ou dont le visa aurait expiré – article qui permettrait de placer en rétention toute personne en situation irrégulière, « sur une base absolument arbitraire » (page 5).
En outre, comme la durée de rétention maximale possible serait prolongée de deux mois supplémentaires à six mois, les personnes concernées risqueraient de se voir enfermées jusqu’à une demie-année sans avoir commis de crime autre que de ne pas disposer des bons papiers, par exemple si les autorités consulaires de leur pays d’origine refusent de coopérer dans la gestion de leur retour – comme c’est le cas dans des pays comme l’Algérie, qui ne veut laisser entrer sur son territoire que ses ressortissants qui le font de leur plein gré. Le LFR souligne d’ailleurs que l’expérience a montré que la prolongation de la durée possible de la rétention de trois à quatre mois « n’a en aucune façon augmenté l’efficacité des mesures d’éloignement ».
Aussi, et bien que le ministre Nicolas Schmit ait promis lors d’une conférence de presse sur la situation de l’asile et de l’immigration au Luxembourg le 1er février dernier, qu’aucun mineur ne sera placé en rétention aussi longtemps qu’il assume cette responsabilité, le LFR s’offusque que cette volonté politique affichée ne se retrouve pas dans le texte du projet de loi, qui, au contraire, envisage une possibilité de placement de mineurs non-accompagnés « dans un lieu approprié adapté aux besoins de son âge ». Or, pour le Collectif réfugiés, « il existe une contradiction flagrante entre le fait même de placer un mineur en rétention, et son intérêt supérieur » et il invite le gouvernement à expressément exclure cette possibilité dans la loi.
Par ailleurs, le LFR, qui ne comprend pas quel serait un usage « raisonnable » de la force au cours de la procédure d’éloignement, aimerait voir ajoutée au projet de loi une liste des pratiques policières interdites telles qu’énumérées par le Conseil de l’Europe (obstruction des voies respiratoires, bâillonnement avec de la bande autocollante, administration de tranquillisants,...) ainsi qu’une surveillance par des observateurs indépendants de toute la procédure, y compris la phase qui précède l’embarquement.
josée hansen
Kategorien: Flüchtlinge und Einwanderung
Ausgabe: 10.02.2011