Depuis le début du mois, les utilisateurs de Windows XP, Vista et Windows 7 dans tout l’espace économique européen – soit à peu près 80 pour cent des Européens – ont pu concrètement vérifier que les condamnations de la Commission européenne étaient bien suivies d’effet, car Microsoft a déployé un outil leur proposant d’installer un autre navigateur qu’Internet Explorer. Pour mémoire, la Commission européenne avait, le 16 décembre 2009, lors d’une condamnation fort médiatisée, exigé que Microsoft mette fin à son monopole sur le marché des systèmes d’exploitation qui consistait à imposer son navigateur Internet Explorer, installé par défaut dans Windows.
La Commission s’est félicitée de la mise en pratique par Microsoft du « ballot screen », une fenêtre à choix multiples qui devrait donc s’afficher sur pas moins de douze navigateurs Internet. Un écran multichoix vous a peut-être déjà automatiquement été proposé ou devra l’être bientôt, qui crée une nouvelle entrée dans Windows Update sous Windows 7 pour permettre de choisir dans un premier écran parmi les cinq navigateurs les plus utilisés : Internet Explorer, Firefox, Apple Safari, Chrome et Opera, tandis qu’un second proposera les sept autres navigateurs secondaires du « Top 12 » : AOL, Maxthon, K-Meleon, Flock, Avant Browser, Sleipnir, Slim. Internet Explorer va alors automatiquement être détaché de la barre des tâches, mais ne sera pas désinstallé pour autant. Les navigateurs sont proposés dans un ordre généré de façon aléatoire avec une description fournie par les éditeurs respectifs. La liste des navigateurs sera actualisée tous les six mois en fonction des parts de marché.
Cette solution négociée entre la Commission et Microsoft est censée rétablir une saine concurrence dans ce domaine. Néanmoins, des voix s’élèvent pour remettre en cause ce procédé.
Certains spécialistes se demandent pourquoi Apple n’a pas été soumis aux mêmes obligations, puisque son navigateur Safari est lui aussi proposé par défaut sous environnement Mac Os. D’autres soulignent les limites de ce ballot screen, à l’instar du cabinet Net Applications, pour qui cette ouverture à la concurrence de Microsoft, qui représente actuellement 62 pour cent du marché au niveau mondial, resterait limitée, car par exemple aucun message n’apparaîtra pour ceux qui ont déjà changé de navigateur par défaut, et qui utilisent déjà Firefox, Safari ou Chrome, de même pour ceux qui ont décoché la mise à jour automatique du système d’exploitation de Microsoft. Dans les milieux informatiques, certains émettent des doutes sur l’efficacité même de ce système tant que les utilisateurs non technophiles ignorent ce qu’est un navigateur Internet. « Aussi, parce que l’utilisateur est confronté à un choix pour lequel il n’a que peu d’informations, tout le monde ignore ce que va être sa réaction : cliquer sur le E bleu qu’il a déjà sur son bureau ? Choisir le drôle de renard de chez Mozzarella ? Choisir au pif l’un des trois autres ? Cela relève de la loterie », explique avec humour Tristan Nitot, le responsable marketing de Mozilla Europe. Certains fournisseurs profitent de l’occasion pour vanter les mérites de leurs produits comme Mozilla justement qui met en avant le point fort de Firefox : la protection de la vie privée de l’utilisateur, ou de Google, qui a lancé une importante campagne publicitaire pour son navigateur Chrome dans certaines gares et métros européens.
En outre, un architecte logiciel de chez IBM, Rob Meir, astrophysicien diplômé de Harvard, prétend que Chrome de Google est systématiquement placé en tête de liste des cinq navigateurs les plus utilisés et non dans un ordre aléatoire. L’algorithme aurait été mal calculé par des informaticiens peu au fait des secrets des lois mathématiques. Le scientifique évoque un « algorithme naïf » et d’erreur propre aux débutants. Selon lui, Microsoft serait tombé dans un piège bien connu et les cinq browsers (Chrome, Firefox, Opera, Safari et Internet Explorer) ne disposeraient pas des mêmes chances. Firefox aurait moins de chance d’être bien placé qu’Opera pourtant dix fois plus petit. Internet Explorer aurait le moins de chance d’apparaître en tête de liste, on ne peut donc pas accuser Microsoft de s’être taillé la part du lion. La solution consisterait, selon Rob Weir, à utiliser l’algorithme de Fisher-Yates. On ne peut que le croire…