Ça leur apprendra à adopter une loi dont ils ne connaissent ni les tenants ni les aboutissants au moment du vote. Fin 2008, les députés ont fait passer la loi sur l’Aide à l’enfance et à la famille. Mais elle est restée inapplicable jusqu’ici, faute de règlements grand-ducaux qui en organisent le détail. La ministre de la Famille, Marie-Josée Jacobs (CSV), en avait présenté sept en juillet dernier qui n’ont toujours pas été avisés par le Conseil d’État. Dans l’intervalle, les fondements mêmes de cette loi sont remis en cause, ne serait-ce que parce que les procédures prévues et le nouveau mode de financement des prestataires d’aide sont jugés trop lourds et risquent d’entraîner une mainmise de fait de l’Office national de l’enfance, la nouvelle administration étatique, sur tout le secteur. Pendant l’heure d’actualité sur l’aide à l’enfance, mercredi soir au parlement, quelques députés comme Lydie Err (LSAP), ont fait un mea culpa, assurant que dorénavant, ils ne se feront plus « avoir » par le gouvernement, pressé de faire voter fissa ses lois au parlement sans trop prendre le soin d’entrer dans les détails.
L’initiative de réclamer des explications pour ce retentissant fiasco de la politique de l’enfance a été prise par les libéraux. Le député Eugène Berger s’est notamment appuyé sur une lettre à la rédaction publiée au Land par l’association Inter-Actions, dans laquelle cette loi a été dénoncée comme inapplicable et risquée pour la survie financière du secteur social. En réaction, Marie-Josée Jacobs, visiblement énervée par la prise d’assaut du DP et des Verts, a estimé que la position d’une seule organisation ne reflétait pas l’opinion de tout le secteur. Ce qui fit répondre ses détracteurs que la raison en était sans doute que les autres associations n’osaient pas mordre la main qui les nourrit, craignant des représailles. C’est dire si la situation est tendue et cela montre aussi le rapport de force qui mine le secteur. Pour le reste, la ministre s’est accrochée à un texte préparé à l’avance par ses services, rappelant les ambitions de la loi, qui pourtant n’arrive pas à dépasser le stade du vœux pieux.
Pendant ce temps-là, le placement des enfants et des jeunes en institution, majoritairement sur ordre du tribunal, reste toujours la principale réponse à des situations d’extrême détresse. Même le député CSV Mill Majerus, qui a tenté de se poser en bouclier devant la ministre pour sauver la réforme qu’il avait lui-même initiée lorsqu’il était encore aux manettes du ministère de la Famille, a dénoncé les « abus » des placements judiciaires. Un signal fort en direction de la justice, appuyé par la ministre qui a même parlé de « placements arbitraires ».
À quand donc la prise en charge et l’encadrement des familles dignes de ce nom ? Le député de la Gauche André Hoffmann a encore rappelé que le développement des enfants devait être la priorité de toute société, comme il s’agit de son propre avenir. Or, la situation est toujours plombée par d’affreux bons sentiments. Dans ce contexte, l’initiative pascale du CSF-Est, la branche féminine du parti conservateur, se révèle totalement saugrenue. L’organisation propose de sponsoriser des vêtements pour les enfants placés dans les foyers de la région. Les gentils donateurs verront les présents étalés dans les boutiques avec les initiales de l’enfant et le prix à payer. C’est à faire venir les larmes aux yeux. Un arrière-goût de « back to the roots », le retour à l’époque des dames patronnesses, formidablement décrite par Jacques Brel : « Mesdames tricotez tout en couleur caca d’oie, ce qui permet le dimanche à la grand-messe, de reconnaître ses pauvres à soi. »