Après Feira, Fatca et Rubik, le quatrième déboulonnage du secret bancaire remonte au 5 octobre 2012, avec la signature par l’Association des banques et banquiers Luxembourg, sous l’impulsion de sa branche dédiée à la gestion privée, le Private Banking Group et de son président Luc Rodesch (le patron de la Banque de Luxembourg, qui a d’ailleurs récemment ouvert deux succursales en Belgique, à Arlon et à Bruxelles) d’une charte de qualité sur les activités de gestion de patrimoine de l’Association internationale des marchés des capitaux (ICMA). Assez vague sur ses objectifs et non contraignante, cette charte encourage les banques signataires à suivre certains standards de bonne conduite, de respect des clients et d’intégrité, notamment en matière fiscale. Ce n’est pas le « tout transparent » et on n’y fait pas référence à l’échange automatique d’informations, mais on pousse assez loin l’effeuillage, en encourageant les opérateurs de la gestion privée à dire non à l’argent gris de l’évasion fiscale qui fit les beaux jours de la place financière dans les années 1980 et 1990. La charte ICMA a été adoptée en décembre par l’association des gestionnaires de fortune (ALPP), puis plus récemment par les assureurs au niveau de l’Association des compagnies d’assurance, alors même que les contrats d’assurance-vie ne sont pas encore couverts par la directive européenne sur la fiscalité de l’épargne. Une centaine d’institutions financières l’ont déjà adoptée, membres ou non membres de l’ABBL. Les banques d’origine suisse furent parmi les premières à signer. Même les établissements non-européens comme Bank of China y ont souscrit.
Beaucoup se sont toutefois étonnés que ce code éthique prônant la transparence fiscale des clients ait obtenu le soutien inconditionnel du régulateur luxembourgeois. Dans une lettre circulaire du 3 décembre 2012 adressée aux établissements financiers, la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) a cautionné cette initiative, et mis certains banquiers récalcitrants devant le fait accompli pour leur demander de ne plus accepter que de l’argent « blanc » et d’encourager « activement » leurs clients non-résidents à se mettre en conformité avec leur fisc d’origine. « Ce fut comme une bulle papale, et chaque banque l’interpréta à sa manière, sans que les responsables de la CSSF ne daignent fournir des explications de texte », souligne un opérateur de la Place. Du coup, ce fut un peu la confusion : de grandes banques allemandes initièrent le nettoyage de leurs clients non-réglo, tandis qu’en embuscade ,des petites structures les récupérèrent, sans doute trop contentes de gonfler leurs actifs sous gestion. Parallèlement à cette initiative controversée de l’ICMA et de son soutien encore plus discutable de la CSSF, les banques se sont mises à écrire à leur clients, certaines pour leur donner un ultimatum de six mois pour régulariser leur situation fiscale et déclarer leurs comptes au Luxembourg, d’autres, moins conciliantes, leur demander de le faire « sans délai ». C’est le sens du courrier que la KBL a adressé le 28 mars dernier à ses clients en y indiquant qu’en raison de Facta et de l’évolution au niveau européen, il fallait s’attendre à un passage à l’échange automatique d’information au 1er janvier 2015, voire déjà en 2014 avec les États-Unis et que leurs données allaient être communiquées. Mais d’autres établissements l’avaient précédé dans cette démarche, avec plus ou moins de diplomatie. La banque privée Pictet, elle, a préféré des face-à-face individualisés avec ses clients plutôt que de prendre la plume. Carlo Thill, président du comité de direction de BGL BNP Paribas a expliqué jeudi 4 avril que sa banque menait des « exercices de discussion et de conviction » avec sa clientèle étrangère pour qu’elle se mette en règle avec les autorités fiscales de leurs pays. Pas question pour autant, du moins « au stade actuel », de passer à des mesures plus sanglantes en dénonçant par exemple des déposants suspectés d’évasion fiscale : « Nous ne sommes pas, à ce stade, dans une logique de dénonciation, la législation luxembourgeoise ne prévoit pas que la non-déclaration de l’impôt soit un délit de blanchiment », avait indiqué le banquier. Sauf que la quatrième directive européenne sur le blanchiment, encore dans les ateliers de la Commission européenne, prévoit d’ériger dans les 27 l’évasion fiscale en délit de blanchiment. C’est bien ce qui fait peur aux banquiers, au moins autant que l’annonce du passage au 1er janvier 2015 à l’échange automatique d’informations fiscales. Ils craignent en effet de se transformer en gendarmes des administrations fiscales étrangères. Parce qu’il faudra encore dresser la liste des indices qui pourront à l’avenir déclencher une dénonciation pour évasion fiscale, à l’instar de ce qui est fait depuis des années pour détecter les blanchisseurs d’argent sale. Un courrier en poste restante ou le fait que le client ne réclame pas de relevé en fin d’année pourront-ils être des indices de fraude à dénoncer à la Cellule de renseignement financier ?