Les contrôles fiscaux discrets opérés auprès des nombreuses « agences immobilières » en 2009 ont révélé des pratiques particulières de la profession pour « optimiser » ses revenus imposables, voire en dissimuler une partie. Les bureaux d’imposition ont dû opérer des requalifications, pointant du doigt des distributions cachées de bénéfices, voire des escroqueries fiscales.
C’est à la faveur de litiges devant les juridictions administratives, à la suite de contestations de redressements fiscaux opérés par l’Administration des contributions directes (ACD), que le voile a été levé sur certaines pratiques. Gros plan sur le cas d’une société à responsabilité limitée, au cœur en novembre 2009 d’un redressement fiscal. Pour se défendre, ses dirigeants se sont d’ailleurs payés les services d’un des meilleurs avocats fiscalistes du pays. En vain. Les juges du Tribunal administratif ont penché du côté de l’administration. En attendant le verdict de la Cour administrative devant laquelle le litige devrait logiquement rebondir ?
Le redressement fiscal incriminé porte sur cinq exercices fiscaux, de 2003 à 2007 et concerne une sàrl familiale (le fils, ayant détenu tout le capital et l’ayant cédé en septembre 2006 à son père, retraité) avec pour objet l’exploitation d’une agence immobilière couplée à celle d’un commerce de meubles, de décoration et d’aménagement d’espaces de bureaux.
Après son passage dans la société pour éplucher les bilans, le service de révision laissa une cinquantaine de « remarques » et « constatations spéciales » relatives notamment à la non-déclaration de recettes encaissées et « simulation » des montants des dépenses d’exploitation. Le réviseur estima d’ailleurs qu’il y avait là matière à « porter plainte auprès du procureur d’État pour escroquerie fiscale ».
Une lettre datée d’août 2010 du directeur de l’ACD, suite à une première réclamation du contribuable, brosse un aperçu des défaillances constatées par le contrôleur du fisc : honoraires d’avocats, de comptabilité et de publicité sans relation avec l’objet de la société et primes d’assurances privées d’un des associés passées en frais de société, non-déclaration d’un compte en banque, comptes annuels rectifiés jamais déposés au registre de commerce et des sociétés, commissions minorées. La liste est longue, mais le bureau d’imposition a surtout été attiré par des commissions jugées douteuses (en contrepartie de l’apport prétendu de clients, mais il fut impossible d’établir quel service avait été rendu, à qui et pourquoi) payées en Belgique à l’épouse de l’un des associés entre 2003 et 2006. Des commissions qui ont pu représenter jusqu’à plus de la moitié du chiffre d’affaires de la société belge au coeur des investigations du fisc luxembourgeois, avec la société luxembourgeoise. Ces commissions ont été requalifiées par l’ACD comme des distributions cachées de bénéfices et ont été imposées, du coup, à hauteur de 50 pour cent. Le prix fort. Un autre point litigieux fit réagir les agents des impôts : le prix de vente largement « exagéré » d’un des terrains par l’associé à sa propre sàrl peu après son achat. L’ACD a considéré que l’associé avait reçu là « l’avantage d’un prix de vente très élevé par rapport au prix d’acquisition investi quelque vingt mois plus tôt » et mis en exergue que l’avantage du prix surfait tirait son origine de la « relation particulière entre associé et société ». D’où la requalification en distribution cachée de bénéfice et le traitement fiscal au tarif premium. L’Administration des contributions avait pris soin au préalable d’aller interroger ses homologues belges (Administration de la fiscalité des entreprises et des revenus) et de consulter la déclaration fiscale de la société en Belgique qui avait versé des commissions litigieuses.
L’associé a tenté de se justifier devant les juges, en invoquant notamment cette « loi du marché », où l’on observe des relations de prix entre le terrain et la construction « variant entre 25 et 50 pour cent ». Ces lois du marché n’ont pas convaincu les juges, qui « en présence d’un faisceau d’indices » ont estimé que les agents de l’Administration des contributions directes ne s’étaient pas trompés et que se vérifiaient aussi les conditions d’une distribution cachée de bénéfices, à savoir des avantages « indus » fournis par la société à son associé unique.
Les contrôles se sont donc musclés et la détermination des agents du fisc, qui n’hésitent pas à solliciter l’entraide de leurs collègues étrangers, à lutter contre la fraude fiscale ne fait désormais plus aucun doute.