Récemment on publie, à qui mieux mieux semble-t-il, des revues culturelles au Luxembourg. D’abord Transkrit (d’Land du 27 mars 2009), une publication de la Kulturfabrik, et maintenant la section des Arts et des lettres de l’Institut grand-ducal présente sa nouvelle revue Arts et Lettres. Évidemment ces publications prévoient toutes de combler un certain vide dans le domaine culturel : pour Transkrit, il s’agissait du débat littéraire inexistant. Arts et Lettres se veut avant tout comme une publication scientifique, comme une relance du travail de recherche sur le patrimoine littéraire et artistique luxembourgeois, comme une plateforme qui favoriserait des prises de position critiques ainsi qu’un débat sur la création artistique oh si souvent ignorée (on devrait user du néologisme « incommentée ») chez nous. Espérons cependant qu’un jour l’on remarque le caractère un peu obsolète de ces arguments, à savoir l’absence de débat, la relance de la recherche, ou le bourrage d’un vide béant, car, avec la multiplication des ouvrages de tous genres, culturels et littéraires, critiques ou non, il est de plus en plus difficile de les (ces arguments) prendre au sérieux.
Quoi qu’il en soit, les noms du comité de rédaction (Lucien Kayser, Paul Lesch, Paul Maas, Félix Molitor, Pit Nicolas, Edmond Thill, Nico Thurm et Loll Weber) disent déjà le pluralisme des arts abordés dans Arts et Lettres. Et en effet, toutes les sous-sections de la section des Arts et des lettres de l’Institut grand-ducal sont représentées : littérature française (la revue contient même un CD : une récitation de José Ensch), allemande, luxembourgeoise, musique, théâtre, danse, cinéma, arts plastiques, architecture. Ajoutons aussi qu’il s’agit d’une renaissance : dans les années 1960, la revue Arts et Lettres est parue une vingtaine de fois. Pour des raisons financières la publication a été arrêtée.
En tout cas, les articles que contient cette nouvelle revue, joliment mise en page (différentes couleurs pour différents arts) et richement illustrée, sont très variés et loin d’être inintéressants : il y a par exemple tout un dossier sur Roger Bertemes, une étude sur la présence de la culture luxembourgeoise dans les ambassades, consulats et biennales à travers le monde (de Didier Damiani), une histoire des associations musicales (fanfares, orphéons, etc.) luxembourgeoises (de Damien Sagrillo). Très rafraîchissant est le petit article d’Annie Gaspard sur l’univers rempli de fées lubriques et de personnages aux désirs d’automutilation de la jeune et ingénieuse Claudine Muno, ne serait-ce que parce qu’il élimine tous les soupçons de sclérose que l’on attribue facilement à ces revues académiques qui ne s’intéressent d’habitude qu’aux artistes/écrivains-vieillards qui ont fait leurs preuves il y a longtemps.
Frank Wilhelm nous parle dans sa contribution assez riche de la présence de l’Afrique dans la littérature luxembourgeoise en déterrant plus d’un auteur de la première moitié du XXe siècle dont personne n’aura jamais entendu parler. L’article de Claude D. Conter, « Wege aus der Regionalliteratur – Auf dem Weg zur Nationalliteratur ? Über die Luxemburger Schriftstellerbrüder Guy und Nico Helminger » dit les tentatives de la littérature luxembourgeoise, à partir des années 1960, de devenir plus qu’une simple littérature provinciale, régionale, de moindre qualité, et de se hisser au rang, et surtout au niveau, d’une littérature nationale.Malheureusement ces deux derniers articles sont en partie illisibles, à cause de problèmes d’impression. Plusieurs pages ont été imprimés deux fois, l’une par-dessus l’autre, avec un léger décalage, sur un même feuillet. Le résultat est, pour le dire de façon académique, un amphigouri. Ou, si vous préférez, un embrouillamini. Un fatras quoi.
Donc, « cultiver la mémoire, la recherche, la création », comme dit Pierre Schumacher, le président de la section des Arts et des lettres de notre illustre Institut, dans l’éditorial d’Arts et Lettres, oui, certes, et avec plaisir, mais il ne faut pas qu’un trop grand zèle ou désir de publier sa propre contribution à la culture luxembourgeoise, comme on a également pu le constater pour la revue Transkrit, élimine le souci de la bonne réalisation dudit produit. C’est extrêmement dommage.
Arts et Lettres ; Institut grand-ducal – section des Arts et des Lettres, 2009, 224 pages ; ISSN 2073-2694, 15 euros