Deux femmes exposent actuellement à Dudelange. Carine Kraus, à la galerie Dominique Lang, est Luxembourgeoise et peintre. On a pu la voir il n’y a pas si longtemps à Junglinster et à Luxembourg. La seconde, Serbe, est une artiste multimédia et elle expose à la galerie Nei Liicht. C’est une première d’envergure concernant son travail au grand-duché. Elle s'appelle Paula Muhr. Carine Kraus pose un regard de femme mûre sur les êtres et les choses. Poétique, tendre. Privilège de l’expérience, du temps qui passe ? Kraus a étudié au tout début des années 1970. Paula Muhr, elle, qui est née en 1977, aurait plutôt une attitude critique et analytique. C’est celle de la deuxième génération des féministes.
Paula Muhr n’attaque en effet pas le sujet de manière anodine mais via l’hystérie, ce « mal » scientifiquement étudié, catalogué et soigné sous hypnose par le Docteur Charcot à la fin du XIXe siècle. Si la maladie n’a pas été classifiée comme exclusivement féminine, on rappellera néanmoins que ce sont les femmes qui, au Moyen-Âge, ont connu le bûcher des sorcières à cause d’elle. L’origine du mot n’est-il pas uterus en grec ?
Depuis l’antiquité, la sexualité des femmes, passant pour mystérieuse, a donc paru effrayante aux hommes. À la galerie Nei Liicht, le visiteur est accueilli par une vidéo où Paula Muhr montre les cinq états classifiés par le Docteur Charcot et il est certain qu’un visage révulsé, extasié, la bave aux lèvres a de quoi effrayer. Suit une série de portraits où des images d’hystériques entrées dans l’histoire par les photographies de la Salpétrière (Paul Régnard) côtoient des arrêts sur image de la vidéo précédente. Pour bien souligner la lenteur de l’évolution de la compréhension, sinon du jugement de la sexualité féminine ? Plus saisissante encore est la série de portraits que la jeune femme présente quelques salles plus loin et qui donne son nom à l’exposition, Double flowers .
Transformer des objets de répulsion tels que des limaces en des sortes de bijoux interpelle. Sans parler des scarabées et autres mouches liées à la décomposition des corps qui ornent ici les femmes sous forme d’écharpes, de broches, etc. L’insaisissable n’étant que fort peu considéré comme crédible dans notre société cartésienne – rappelons que l’hystérie fut considérée comme un simulacre – Paula Muhr enfonce le clou en présentant aussi un tableau de courbes (donc à valeur scientifique) des sécrétions de son propre corps au cours d’un mois. Une échelle de ses lubrifications vaginales côtoie celle de ses larmes et du volume d’urine... Ceci à côté de photographies d’un corps corseté et d’une vidéo où a contrario, une femme danse et ses vêtements s’envolent.
Ambivalence quand tu nous tiens… Pour qui privilégierait une approche moins intellectuelle, les tableaux de Carine Kraus à la galerie Dominique Lang offrent une alternative. L’artiste travaille des arrêts sur image qui glorifient des corps en mouvement, suspendent des bras ou des jambes dans l’action. On peut se réjouir de cette approche visiblement amoureuse et roborative des êtres sans ignorer cependant qu’on ne peut passer à côté de l’autre.