Qu’il est difficile à prononcer ce mot – et pour cause ! Alors même qu’il tire sa racine du si usité, modeux et galvaudé « communication »… Quoi qu’il en soit, il plante le décor des Langues étrangères de François de Saint-Georges. Dans ces Langues étrangères dialoguent neuf personnages – sans jamais y parvenir. Car tous émettent des « messages », mais sans mettre la fonction « réception » en action. Or, pour dialoguer, il faut être à l’écoute. Peine perdue pour ceux-là qui vivent chacun dans leur microcosme. Pourquoi n’ont-ils pas opté pour une île déserte comme Robinson Crusoé ? Parce que l’isolement mène à l’introspection et la réflexion, donc fatalement au suicide pour nos compères.
Vrai huis clos étouffant. Jusqu’au point final, le lecteur se demandera ce qui les réunit. A priori, rien de viscéral, si ce n’est le caprice de la diva Diana Arenski qui ne veut pas s’éteindre seule. Car malgré les liens familiaux, professionnels ou amicaux entre eux, ils ne s’aiment pas. Se connaissent-ils seulement ? Qu’apprend-on d’eux ? Qu’ils sont fats, creux, égoïstes et imbus d’eux-mêmes. Au fait, ce sont des artistes : l’une est compositrice, l’un funambule, l’une violoncelliste, l’une pianiste, l’une flûtiste, l’un violoniste, l’un architecte. Mais toute similitude avec… ne serait bien sûr que coïncidence fortuite.
Ils sont horripilants à force de parler pour ne rien dire, de monologuer à voix haute. De nous livrer cette image de vacuité de la société – et de l’auteur ? Et ça ne s’arrange pas quand ils recourent indifféremment à l’arabe, au chinois ou au russe. Il y a aussi celui qui dit les mots à l’envers (sic). Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce n’est pas la diversité des langues – que les pro-Européens se réjouissent ! – qui freine la communication. Par contre elle est une entrave à la lecture qui se fait poussive et non jubilatoire. Sans parler des cinquante dernières pages noircies de partitions…
Bref, Les langues étrangères ne se lisent pas. Elles peuvent – éventuellement – se voir pour se faire entendre. Pas si paradoxal que ça finalement. À ceux qui n’étaient pas au Grand Théâtre en décembre dernier, le Théâtre de la Place de Liège propose plusieurs dates en avril. Et que ceux-là se rassurent ; en plus de parler, le funambule marche aussi sur un fil et les musiciens jouent de leur instrument.