Alors que dans un premier temps, il pouvait sembler que les changements des conditions d’utilisation des services de Google, annoncés en janvier pour entrer en vigueur le 1er mars, allaient passer comme une lettre à la poste, deux initiatives de ces derniers jours, l’une émanant de la Commission européenne et l’autre d’un groupe de protection des droits des internautes aux États-Unis, risquent de changer la donne.
Google a annoncé ces changements dans des notifications aux utilisateurs de ses différents services, en faisant valoir qu’il s’agissait d’unifier les conditions d’utilisation de ses différents services tels que Gmail, You Tube ou Plus, et de faire preuve de la plus grande transparence possible sur ces changements. Google a affirmé qu’en définitive, ceux-ci lui permettraient de présenter des informations plus pertinentes à ses utilisateurs, en s’appuyant par exemple sur des données de géolocalisation. Mais ces nouvelles conditions d’utilisation ne sont bien sûr pas optionnelles : les utilisateurs qui n’y souscriraient pas n’auront plus accès aux services.
En Europe, c’est le « Groupe de travail Article 29 », composé de représentants des autorités nationales chargées de la protection des données, du CEPD (Contrôleur européen de la protection des données) et de la Commission européenne, qui a sonné la charge. Son président Jacob Kohnstamm a écrit au patron de Google Larry Page une lettre demandant au géant de l’Internet de surseoir à l’introduction de ces nouvelles conditions d’utilisation pour laisser aux régulateurs européens le temps de les examiner en détail. « Compte tenu du vaste éventail de services que vous offrez et de la popularité de ces services, les changements de votre politique relative à la sphère privée pourraient affecter un grand nombre de citoyens dans tous les États membres de l’Union européenne », a écrit Kohnstamm le 2 février. Il précise que l’investigation sur « les conséquences possibles pour la protection des données personnelles de ces citoyens » est menée par le membre français du Groupe de travail, la Commission nationale informatique et libertés (Cnil).
Aux États-Unis, c’est de l’ONG Electronic Privacy Information Center (Epic) qu’est partie une salve judiciaire cette semaine. L’organisation s’est addressée à la Federal Trade Commission (FTC), estimant que les nouvelles conditions d’utilisation étaient contraires à un arrangement intervenu entre Google et la FTC en mars 2011, à la suite de la divulgation abusive de données personnelles dans le cadre du service Buzz, abandonné depuis par Google. Les organisations de protection de la sphère privée avaient découvert que, contrairement aux assurances données par Google, des données d’utilisateurs de Gmail qui choisissaient de ne pas souscrire à Buzz apparaissaient néanmoins sur les plateformes de ce qui constituait alors une tentative du géant de Mountainview d’entrer sur le marché des réseaux sociaux.
Epic estime dans sa plainte que cet accord de 2011 donne à la FTC le pouvoir d’empêcher l’entrée en vigueur des nouvelles règles. S’adressant à une Cour fédérale à Washington, Epic demande formellement le blocage des nouvelles règles de Google, qualifiant leur introduction de « pratique commerciale injuste et trompeuse ». Google s’est vigoureusement défendu : « Nous prenons la sphère privée très au sérieux. Nous sommes prêts à commencer des conversations constructives sur notre politique actualisée relative à la sphère privée, mais Epic se trompe sur les faits et sur la loi ».
Le problème pour Google est que ce n’est pas l’impression qu’ont eue des législateurs américains ayant participé à une réunion avec des représentants de Google à ce sujet. Ed Markey et Richard Blumenthal, représentants démocrates du Massachussetts et du Connecticut, se sont dits préoccupés quant au contrôle que les utilisateurs conserveraient de leurs informations personnelles. Une autre parlementaire, Mary Bono Mack, s’est montrée particulièrement alarmée : « Il était clair pour moi, alors que je quittais la salle, que cette société a établi cette politique pour que, au lieu que ce soit le consommateur qui est le maître de l’Internet, ce soit Google qui est le maître du consommateur. Je pense que cela ne va tout simplement pas », a-t-elle déclaré à USA Today.