Le succès des iPhones et iPads ces dernières années a eu une conséquence inattendue, même pour Apple : celui de sonner leur arrivée en masse dans les entreprises. Traditionnellement, les départements informatiques considéraient d’un mauvais œil les terminaux de chez Apple, soupçonnés de tous les maux, notamment, en plus d’être chers, d’être incompatibles avec le reste du réseau et peu sûrs. Selon une étude récente menée par le bureau d’études informatiques Forrester auprès de 590 responsables informatiques en Amérique du Nord et en Europe, invités à dire s’ils autorisaient les employés de leur entreprise à accéder depuis un Mac privé à différents services tels que le courrier électronique sur le web, les applications en ligne, les desktops virtuels, les réseaux internes et les applications natives de courrier électronique, 41 pour cent répondaient qu’ils n’en autorisaient aucun. Il est vrai que leur défiance valait aussi pour des terminaux Windows possédés par les employés, qui se trouvaient proscrits d’accès à ces mêmes services pour 32 pour cent d’entre eux. La différence entre les deux scores montre cependant que les Macs privés ont plus de mal à se faire admettre en entreprise.
Mais lorsque les employés, et en particulier les mieux payés parmi eux, ont commencé à amener au bureau leurs propres terminaux Mac, ces mêmes directeurs informatiques et administrateurs de réseau ont dans bien des cas dû s’incliner. Il leur a fallu admettre que ces appareils devraient trouver leur place sur le réseau d’entreprise, au-delà des professionnels de l’image et du graphisme qui sont habituellement les exceptions tolérées dans les univers tout-Windows. Et voilà donc les services informatiques apprenant à configurer les iPhones et iPads amenés par des employés et à leur ménager une place sur le réseau. Telle est en tout cas la conclusion de Forrester, qui a titré son rapport Les gens apportent leur Macs au travail – il est temps d’en finir avec la prohibition.
Cependant, en raison du prix plus élevé des Macs à performance égale, les entreprises rechignent en général à sauter le pas et à les inclure parmi les options proposées à leurs employés en matière de terminaux nomades. Ceux qui tiennent à retrouver dans leur vie professionnelle les habitudes prises chez eux sur un iPhone, un iPad ou un MacBook sont donc bien souvent amenés à assumer eux-mêmes le coût de son acquisition. Forrester suggère aussi que le fait de relever les défis posés par l’intégration des Macs en réseau d’entreprise dominés par les PC et d’offrir davantage de liberté individuelle dans ce domaine peut en définitive déboucher sur une augmentation de la productivité.
Cependant, les fronts ne sont pas figés dans ce qui, entre adeptes des Macs et des PC, ressemble bien souvent à une guerre de religion. Les consoles virtuelles, qui permettent de créer un univers Windows sur un Mac, ont souvent été considérées comme le moyen de mettre tout le monde d’accord. Avec toutefois des déceptions fréquentes lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des solutions dans des contextes spécifiques. Le magazine Wired rapporte qu’un ancien employé d’Apple, Dave Fuller, se propose aujourd’hui de ménager aux utilisateurs d’ordinateurs portables Apple un accès à l’environnement Windows et aux copies d’entreprise d’Office, Outlook ou Photoshop au sein d’une fenêtre ouverte sur un Mac grâce à une solution appelée Moka Five. Compte tenu de son parcours, Dave Fuller, qui a depuis son passage chez Apple été CEO de l’éditeur de logiciels Borland et de la société de sécurité informatique McAfee, est a priori bien placé pour comprendre les défis de sécurité que pose l’intégration de Macs dans des univers Windows. Moka Five a déjà été vendu à 8 000 exemplaire à Electronic Arts et à 33 000 exemplaires à une compagnie pétrolière basée au Royaume-Uni. Lorsque Dave Fuller a lancé son projet en 2009, raconte Wired, il a d’abord voulu prendre la température du côté de Steve Jobs en demandant à un dirigeant d’Apple de soumettre l’idée à son patron. Sa réponse: « Je ne vais pas y mettre d’argent. Mais je ne vais pas m’y opposer ».