Energie et climat

Quels objectifs pour 2030 ?

d'Lëtzebuerger Land du 05.04.2013

Si l’Europe est en bonne voie pour réaliser les objectifs qu’elle s’est fixée d’ici 2020 en matière de climat et d’énergie, elle doit s’interroger sur ceux qu’elle devrait viser à l’horizon 2030 pour prévoir des investissements appropriés, à même d’assurer sa sécurité énergétique. C’est la raison pour laquelle la Commission a ouvert, le 27 mars, une consultation « sur le cadre pour les politiques en matière de climat et d’énergie », laissant aux parties intéressées jusqu’au 2 juillet pour faire connaître leur position. Dans le Livre vert qui sert de support au débat, elle prévoit de proposer un cadre réglementaire précis d’ici la fin de cette année.

« Ce nouveau cadre devra tenir compte des conséquences de la crise économique, tout en restant suffisamment ambitieux pour ne pas compromettre l’indispensable objectif à long terme d’une réduction de 80 à 95 pour cent des émissions d’ici à 2050 », a déclaré Günther Oettinger, le commissaire à l’énergie, co-auteur du Livre vert avec la commissaire au Climat, Connie Hedegaard.

Ils veulent une réflexion globale aboutissant à clarifier de quelle manière maximiser les synergies entre la compétitivité, la sécurité de l’approvisionnement énergétique et la durabilité.

En 2008, l’UE avait adopté des objectifs pour 2020 (les « 3x20 » : 20 pour cent de renouvelables, 20 pour cent de réduction des gaz à effet de serre (GES) et 20 pour cent d’efficacité énergétique), va t-elle s’en tenir à ces mêmes critères avec un rapport 30/30/30 ? Les deux commissaires n’ont pas voulu se prononcer sur ce point. Mais Connie Hedegaard ne cache pas qu’une réduction des émissions de 30 pour cent serait à ses yeux très insuffisante. Elle en appelle à une politique plus ambitieuse, le Livre vert soulignant, entre autres, qu’une réduction de 40 pour cent des GES d’ici 2030 est nécessaire si l’UE veut remplir son objectif inscrit dans sa Feuille de route à l’horizon 2050, adoptée en 2009. Le niveau de réduction devrait être suffisamment important pour qu’il permette de stabiliser le marché du carbone (ETS).

Pour les renouvelables, dont la part serait portée à « environ 30 pour cent » du bouquet énergétique, le Commissaire Günther Oettinger envisage de proposer des objectifs contraignants, qui tiendraient par ailleurs compte du potentiel de chaque État membre (principe du partage du fardeau).

Concernant d’éventuels engagements en matière d’efficacité énergétique, la Commission souligne des progrès notables dans la consommation d’énergie primaire (le pétrole notamment) qui sert de référence – dont une part est le fait de la crise économique. Elle s’interroge sur la pertinence de prendre d’autres indicateurs comme la consommation énergétique rapportée au PIB ou à la valeur ajoutée produite. Et compte tenu du fait qu’il est impossible de faire un bilan de la directive sur l’efficacité énergétique (adoptée en 2012), elle propose de laisser de coté ce point jusqu’en « 2014 ou plus tard ».

Parallèlement, la Commission a également lancé une consultation sur le captage et le stockage de carbone, qui malgré son coût pourrait être déclarée prioritaire par l’Union européenne. Günther Oettinger n’a pas caché qu’il était «  en faveur de sa production, notamment pour des raisons de sécurité et de prix – aux États-Unis, grand producteur de gaz de schiste, le prix du gaz est quatre fois moins cher qu’en Europe ».

Business Europe, qui représente le patronat européen, a salué la consultation qui a soulève la question cruciale de la compétitivité des entreprises européennes au regard de l’énergie et du climat. L’association condamne la politique actuelle de l’UE désordonnée et responsable de coûts élevés et préconise une approche plus réaliste et rentable pour restaurer la confiance des investisseurs. Elle estime néanmoins irréaliste le fait que le Livre vert ne s’en tienne qu’à un objectif de décarbonisation.

Le président du Conseil européen des énergies renouvelables (EREC), Hinrichs-Rahlwes, s’est félicité de l’ouverture de « cette réflexion à long terme, nécessaire pour respecter nos engagements de décarbonisation, tout en stabilisant les prix à la consommation dans l’UE. Cela conduira à réduire les coûts ».

Les députés européens verts, en revanche, déplorent un manque d’ambition de la Commission, qui doit, à leurs yeux, imposer davantage de contraintes aux États membres. Le Luxembourgeois Claude Turmes prône ainsi un objectif contraignant de 45 pour cent de réduction des GES. « Malgré des avantages indéniables en terme d’économie d’énergie, de création d’emplois et de réduction de la dépendance énergétique et les factures d’énergie, les États membres de l’UE sont loin de répondre à la cible non contraignante relative aux économies d’énergie, d’ici 2020 », a-t-il déclaré.

Sophie Mosca
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