Neige

Abysse de la mort

d'Lëtzebuerger Land du 24.02.2011

Une fin de cycle blanc : éphémère, long et ponctuellement gracieux. Accueil glacial pour Neige, la création de la chorégraphe belge Michée Anne de Mey, au Grand Théâtre. Directrice depuis 2005 de Charleroi/Danses, Centre chorégraphique de la Communauté française Wallonie-Bruxelles avec Vincent Thirion, Pierre Droulers et Thierry De Mey, elle a pris la suite de la direction de Frédéric Flamand.

Dans son poème Voyelles, Arthur Rimbaud attribuait des couleurs aux voyelles : « A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles (…) E, candeurs des vapeurs et des tentes, / Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles (…) », ici il s’agit de la dominance du blanc avec un rendu parfait et très esthétique de la neige qui tombe.

Puissamment évocateur de pureté, d’onirisme, le titre de la dernière création de Michèle Anne de Mey renvoie à l’univers des contes pour enfants et notamment à la Reine des Neiges dans lequel un petit garçon est kidnappé et retenu dans son château au nord. Son amie Gerda qui le cherche doit alors braver le temps froid de l’Arctique et affronte les pires tempêtes de neige pour vaincre le mal !

Si l’effet scénographique emprunte aux univers de La Belle et la Bête de Jean Cocteau et de Peau d’Âne de Jacques Demy, la neige caractérise aussi l’hiver et donc la fin d’un cycle. La thématique retenue est en l’occurrence celle d’une fin de cycle. Le choix et l’utilisation avec parcimonie de la Septième symphonie de Beethoven dès le premier tableau servent parfaitement la chorégraphie, même si cette symphonie abonde dans les bandes son de films cinématographiques récents (Le discours d’un roi de Tom Hooper, Des hommes et des Dieux de Xavier Beauvois). Excellente entrée en matière avec la présence de l’eau et un rappel métaphorique que la neige est une forme de précipitation qui se forme généralement par la condensation de la vapeur d’eau dans les hautes couches de l’atmosphère.

Puis une danseuse prend place dans un solo lent, long enveloppé dans un silence étouffant et dans la pénombre. On craint que cela ne dure plus et déjà certains quittent la salle. Les duos et les solos rappellent la grâce de la glace cristallisée et agglomérée en flocons. Le travail en groupe semble limité, alors que l’on s’attend à ce que la chorégraphe joue avec les danseurs telle une ramification de flocons d’une infinité de façon. De surcroît, les danseurs / danseuses inégalement présents dans la création se meuvent lentement, trop lentement au goût d’une petite partie du public, qui décide de partir.

Le vocabulaire gestuel par instants ouvert et léger puis plus compact est globalement sans surprise et parfois proche de l’expression corporelle. Bien que le sujet traité ne se prête pas à la légèreté, le cycle vertueux harmonie et chaos, mouvement perpétuel tourne un peu en rond. Légères tombées de neige, tempête de neige, boule de neige, jeux de neige, le blanc est annonciateur de la mort et les danseurs ne parviendront pas évidemment pas à la surmonter. Sans surprise !

Emmanuelle Ragot
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