« D'abord, on a essayé de sortir une jambe de l'eau, pour voir... Les cours de sauvetage que nous prenions, nous ont mené à des essais un peu plus audacieux. » Marie-Paule Pommerell, en 1982, a fait son brevet de sauvetage.
Pour l'ouverture de la piscine de Gasperich, le groupe tente une petite prestation : « Nous ne savions pas trop comment nous y prendre , mais essayions tant bien que mal. C'était en 1983. Chavirer, tourner, nous avions bien une idée, mais pas de technique. À l'aide de manuels que nous avions fait venir d'Allemagne de l'Est, nous avons acquis une base. La natation synchronisée, comme les plongeons, était pratiquée au début du siècle uniquement par des hommes. Finalement la fédération luxembourgeoise nous a envoyées, Blanche Bastendorf et moi- même, à Montreux pour que nous participions, à une formation. D'où nos rapports préférentiels avec la Suisse.
C'est à partir de ce moment-là, en 1988, que nous formons un groupe de dix à quinze nageuses. L'année d'après nous avons été concourir - c'était comique, quand j'y pense ! Nous n'avions pas encore de hauts parleurs sous l'eau et les nageuses, étaient obligées de compter. Le trac aidant, elles ont accéléré leurs comptes et se sont retrouvées à la fin de leurs mouvements avant la fin de la musique. »
Historiquement les critères sont établis par la Fédération internationale de natation amateur (Fina) avec siège Genève. Alors quoi, « amateur » ? Depuis 1956, la natation synchronisée est un sport de compétition, alors qu'avant elle était utilisée comme divertissement entre les courses.
Les tout premiers danseurs d'eau étaient des Samouraïs et devaient se mouvoir en uniforme, selon des règles très strictes. Une douzaine de sports nautiques en sont issus. Les Grecs aussi l'ont utilisé comme divertissement, bien qu'exclusivement masculin, lors des jeux olympiques. Plusieurs siècles plus tard, on voit en 1724, Benjamin Franklin amuser le public en faisant des prouesses fluviales à Londres et à partir de 1892 les Anglais (Scientific and Ornamental Swimming) font découvrir cette forme de natation en différents lieux de l'île. La première vedette anglaise s'appelait Bob Derbyshire.
« His major trick was to perform a somersault in the water while strapped to a chair. » En 1898 « the first professional water show was given. J.B. Johnson and Sisters performed at the Blackpool Town Circus. The girls wore black tights and sequins and were called by the press 'those fast young things'. ª
L'université de Wisconsin en 1916 s'y intéresse et fait donner des cours par Katherine Curtis. Tête d'affiche, plus tard, elle enseignera à Chicago et ajoute de la musique à ce divertissement nautique. Le terme « ballet nautique » apparaît à cette occasion en 1923. Kay Curtis Modern Mermaids se nomme le show des seize sirènes à l'exposition mondiale de 1934. À la radio, le speaker Norman Ross utilise le terme « synchronised swimming » regardant approcher les jeunes amazones en rang serré. Le premier manuel explicite est rédigé par la même dame Curtis Rythmic Swimming paru en 1936. Une spirale entraînante et c'est au Canada, à Winnipeg, que la première compétition a lieu en 1923 inofficiellement, car les premières règles ne sont établies que l'année d'après. En 1939, le duo et le thème en nageant s'instaurent aux USA et les nageuses du Billy Rose Aquacade, le club dont est issu Esther Williams, est engagé en 1940 par la Warner Bros.
« Golden Gate International Exposition stars Esther Williams. She was billed as Aquabelle Number One. The female box office star of the movies - world-wide... »
Comme souvent, les Pays-bas font figure de pionnier et c'est 1952 que la natation synchronisée revient en Europe, grâce au couple Armbrust.
Le joli sourire des sirènes qui montrent les dents pour qu'on les voit de loin, oscille constamment entre l'art et le sport et n'arrive jamais, heureusement, à se faire mesurer au millimètre près. Et les élégances vestimentaires sont tout à fait relatives. Paillettes et coiffures relevées maintenues par de la gélatine maternellement appliquée. Un pince-nez couleur chair, des lunettes imparables qui coincent pour protéger. Il y a bien, au milieu des naïades, Bill May, vingt ans, originaire de l'Etat de New York qui a découvert ce sport grâce à sa soeur. Evoluant parmi les Aquamaids de Santa Clara (Californie), il bénéficie de dérogation ici ou là. Peut être aussi pour les J.O. de l'an 2000.
La natation synchronisée, exclusivement féminine pour l'heure, est accueillie comme discipline au championnat d'Europe en Suède (1977) et en 84 aux Jeux Olympiques. La même année, ici, le Swimming Club de Luxembourg reconnaît et officialise cette section. Emergeant du turquoise des piscines, zones inexplorées, alors que les nageurs battent des records nationaux aux allers-retours incontestables, notre catégorie manque d'adeptes. Cela n'empêche ni les voyages, ni les médailles, développe les poumons, améliore le souffle, allonge les muscles, donne le goût de la symétrie.
Pourtant, trente inscriptions et des entraîneurs qui ont d'autres contraintes que d'appuyer sur le chronomètre rend le rendement inconfortable. Comme tout violon d'Ingres, le temps consacré est-il en rapport avec le résultat ? Mais oui, puisqu'il s'agit du plaisir de réussir une figure en musique, en temps, en groupe. Puis, plus tard, d'apprendre comment faire le flamand rose, le dauphin, l'albatros, l'espadon, la queue de poisson et autres lamantins.