Le secteur immobilier n’a pas été épargné par la crise financière sans précédent qui s’est déclenchée en 2008. Sur certains marchés, on a observé une chute de moitié, si ce n’est plus, de la valeur des biens immobiliers – immobilier résidentiel et de bureaux confondus. Cette crise a également touché l’industrie des fonds immobiliers. Selon l’INREV (Association européenne pour les investisseurs dans les véhicules immobiliers non cotés), les fonds immobiliers européens non cotés ont perdu en moyenne 8,9 pour cent de leur valeur entre 2007 et 2009. En Europe, avec plus de 150 fonds immobiliers réglementés représentant environ 30 milliards d’euros de valeur totale, le Luxembourg se place en cinquième position en termes d’actifs sous gestion, et apparaît comme domicile de prédilection pour les fonds immobiliers qui poursuivent une politique d’investissement internationale.
Comment ce secteur majeur de l’économie nationale a-t-il évolué pendant les années de crise que nous venons de traverser ? L’étude publiée en septembre 2010 par l’ALFI (Association luxembourgeoise des fonds d’investissements) sur les fonds immobiliers luxembourgeois permet d’obtenir des renseignements à ce sujet. Cette étude nous révèle que la valeur totale des actifs sous gestion a diminué d’un milliard d’euros entre 2008 et juillet 2010, soit une baisse de 4,8 pour cent. On observe cependant une multiplication des initiatives de lancement de fonds, menant à la création de 34 nouveaux véhicules d’investissement sur cette même période. L’objectif de ces fonds est généralement de mettre à profit les opportunités offertes par les cas de vente forcée d’actifs de détresse ou encore par la valorisation attractive des sous-jacents. Les objectifs de levée de fonds ont été rarement atteints. Par voie de conséquence, l’actif moyen par fonds a diminué substantiellement depuis le début de la crise, de 22 pour cent en moyenne.
Le Luxembourg est un centre financier particulièrement international, par la nationalité des promoteurs de fonds, par la variété des pays dans lesquels ces fonds investissent, et par la diversité des pays d’origine de leurs investisseurs. Les promoteurs viennent des quatre coins du monde avec une prépondérance de sociétés allemandes, anglaises et américaines. Pendant les années de crise 2008 et 2009, ce sont les gestionnaires de fonds allemands qui ont réduit de façon la plus significative leur activité sur la place luxembourgeoise, ne lançant aucun nouveau fonds en 2009 (lire aussi page 15). Il est intéressant de noter que les gestionnaires utilisent Luxembourg surtout comme plate-forme pour le lancement de leurs fonds immobiliers internationaux. Les trois quarts des fonds immobiliers luxembourgeois poursuivent une stratégie d’investissement internationale, concentrant leur périmètre d’acquisition sur l’Europe (82 pour cent), et la crise n’a pas significativement modifié cette répartition géographique. Enfin, les fonds immobiliers luxembourgeois s’adressent surtout à une clientèle institutionnelle (82 pour cent des fonds ont moins de 25 investisseurs) et européenne. On constate néanmoins une part grandissante d’investisseurs américains, asiatiques et arabes.
Depuis le début de la crise, on observe un changement important dans la stratégie d’investissement des nouveaux fonds immobiliers. En 2007, 61 pour cent des nouveaux fonds (25 unités) poursuivaient une stratégie qualifiée d’opportunité, 23 p.c. d’entre eux seulement choisissaient une stratégie core (stratégie d’investissement représentant un couple risque/rendement conservateur), et 16 p.c. poursuivaient une stratégie dite dynamique ou added value. La situation était complètement inversée en 2009 : les deux tiers des nouveaux fonds étaient core, tandis que les fonds poursuivant des stratégies opportunistic ou added value ne représentaient plus que 17 p.c. chacun. Ce renversement est dû, dans une large mesure, à des conditions de financement plus difficiles. Les fonds opportunistes, qui exploitent traditionnellement un important effet de levier, qui s’appuie sur un endettement de 60 à 70 pour cent, sont les plus touchés par ce resserrement des conditions de crédit, ainsi que par les nouvelles conditions de Loan-to-Value et les incertitudes macro-économiques. Contraints par les conditions économiques, la plupart des gestionnaires se sont donc rabattus sur des politiques d’endettement plus conservatrices, qui se traduisent par un ajustement à la baisse du taux d’endettement global des fonds immobiliers. Malgré une légère embellie des conditions de financement sur les derniers mois, les perspectives semblent encore difficiles pour 2011. La baisse des valeurs des actifs sous-jacents a détérioré les ratios prudentiels d’endettement, si bien que de nombreux fonds cherchent aujourd’hui à se séparer d’une partie de leur dette. Cette « purge » de la dette offre de nouvelles opportunités pour certains types de fonds tel que les fonds de dette pure ou le fonds de dette distressed (dette de mauvaise qualité).
Concernant les secteurs d’investissement, le marché des fonds d’infrastructure est en pleine expansion depuis 2005. Ces fonds offrent des perspectives stables et à très long terme aux investisseurs. Leur champ d’investissement est très varié : hôpitaux, ponts, routes à péage, aéroports, etc. Treize fonds d’infrastructure ont été lancés au Luxembourg depuis 2005.
L’adoption du projet de directive européenne sur les gestionnaires de fonds d’investissements alternatifs (Alternative investment fund managers directive, ou AIFMD) par le Parlement européen, le 11 novembre dernier, pose de nouveaux défis aux gestionnaires de fonds immobiliers qui souhaitent opérer sur le sol de l’Union européenne. La volonté affichée du législateur européen de mettre sur pied un vrai dispositif de réglementation et de supervision des activités de fonds alternatifs, dont les fonds immobiliers, soumet les gestionnaires à un éventail de nouvelles règles concernant la façon d’opérer, leur organisation interne, la communication et le reporting. Cette directive, née de la crise, vise à garantir une plus grande transparence et une meilleure connaissance des risques macro-économiques. En contrepartie, les gestionnaires de fonds alternatifs vont bénéficier d’un passeport pour pouvoir commercialiser librement leurs services et produits dans les 27 États membres de l’Union européenne. Ce passeport représente une substantielle simplification de la commercialisation transfrontalière des produits alternatifs. Au vu de du nombre et de l’importance des fonds immobiliers transfrontaliers enregistrés actuellement au Luxembourg, cette nouvelle directive pourrait permettre au pays de renforcer encore plus sa position en tant que plate-forme de fonds immobiliers internationaux, en attirant de nouveaux gestionnaires et leurs fonds, et/ou en incitant les gestionnaires à re-domicilier certains fonds offshore au grand-duché. De la même manière qu’il a réussi à s’imposer comme domicile de prédilection des fonds transfrontaliers coordonnés (UCITS), le Luxembourg peut espérer répliquer ce succès dans le domaine des fonds alternatifs. Le pays jouit déjà aujourd’hui d’un cadre législatif et fiscal attractif, et d’un éventail de prestataires de services de haute qualité dans le domaine des fonds alternatifs. Il faut revoir le dispositif existant et l’adapter aux exigences introduites par la nouvelle réglementation européenne. En outre, afin d’attirer et héberger des nouveaux gestionnaires et leurs structures, il faut améliorer nos structures d’accueil et réaliser les investissements d’infrastructure annoncés depuis longtemps: amélioration des connexions aériennes et ferroviaires, développement des infrastructures routières et des transports en commun.