L’immobilier d’entreprise, après une année 2009 considérablement marquée par la crise, a connu une année 2010 mitigée. Le marché de la location, qui a enregistré 30 pour cent de transactions supplémentaires par rapport à 2009, n’a pourtant pas suivi le même rythme pour ce qui est de la prise en occupation, qui, elle, a seulement augmenté de 10 pour cent. Ce phénomène est symptomatique du marché actuel dans lequel les demandes de locataires au-dessus de 1 000 m² se font rares, la transaction moyenne pour 2010 étant de 580 m². Pour ce qui est du marché de l’investissement, nous avons enregistré des transactions pour 345 millions d’euros, ce qui signifie une diminution de 31 p.c. par rapport à 2009. Les raisons sont ici multiples, mais l’une des raisons principales est le manque de produits intéressants dotés de baux long terme.
Nous entendons souvent la remarque « … Je vois de plus en plus de panneaux ‘À louer’… ». Est-ce vraiment le cas ? Il est vrai que nous avons connu le taux de vacance le plus élevé depuis les premières statistiques établies au début des années 1990 ; toutefois le taux de vacance a déjà amorcé une baisse par rapport à son plus haut niveau atteint à mi-2010 et se situe actuellement autour de 7 p.c. soit 225 000 m². Ce chiffre ne tient pourtant pas compte des surfaces disponibles à la sous-location que nous estimons à 27 000 m², surfaces qui n’affectent pas directement le rendement du propriétaire de l’immeuble, mais qui font concurrence aux surfaces réellement vides. En effet, les candidats à la location qui savent s’accommoder de certaines contraintes comme la précarité du bail, peuvent obtenir des conditions plus intéressantes en recourant à la sous-location.
Pour ce qui est de l’évolution du taux de vacance, il est important de se pencher sur les livraisons de nouveaux immeubles prévues pour 2011 et 2012. La livraison de quelques 65 000 m² supplémentaires cette année, ainsi que celles, spéculatives, de 35 000 m² viendront corriger automatiquement une partie de l’offre excédentaire du marché. Il est difficile d’estimer la baisse de mètres carrés inoccupés dans le sens où la prise en occupation nette est difficile à mesurer par manque d’information.
Si on analyse le marché de la location, on se rend compte que 61 p.c. de la prise en occupation s’est réalisée dans les quatre grands quartiers de bureaux, que sont le CBD (Central Business District), le Kirchberg, la Cloche d’Or ainsi que le quartier de la Gare. On peut noter ici que Capellen a très bien tiré son épingle du jeu l’an passé avec 9 p.c. de la prise en occupation totale. On constate surtout que les locataires ont essayé de profiter de la crise pour faire des bonnes affaires autour du centre ville. Nous pensons que ces bonnes affaires se feront de plus en rares dans les mois à venir, puisque le taux de vacance a retrouvé des niveaux très faibles dans ces quartiers, provoquant une stabilisation des loyers voire une tendance à la hausse. Avec des taux de vacance qui tournent autour de 3 p.c. pour le Kirchberg et le CBD, les propriétaires peuvent s’y montrer moins conciliants. Pour ce qui est des quartiers de bureaux périphériques, les loyers ont plus souffert qu’ailleurs avec des taux de vacances qui peuvent monter jusqu’à 20 pour cent. Nous pensons que les opérations de séduction de locataires permettent encore de faire de très bonnes affaires pour des sociétés décidées à s’installer un peu à l’extérieur de la ville.
Quant au marché de l’investissement, les volumes enregistrés sont assez décevants. Nous sommes revenus à des volumes inédits depuis 2005. Contrairement au marché de la location, où les loyers ont souffert avec la diminution des transactions, on peut constater que pour les ventes réalisées, les prix unitaires sont restés élevés. Les transactions sont par ailleurs limitées, car il est très difficile en ce moment de trouver des investisseurs capables de financer des objets d’un volume supérieur à 100 millions d’euros. Ainsi depuis 2008, au Luxembourg nous n’avons enregistré que six transactions dont le volume par transaction dépassait 50 millions d’euros. Pour mémoire, au cours de l’année record que fut 2007, au Luxembourg nous avions enregistré 16 transactions d’un volume supérieur à 50 millions.
Nous observons en outre une poussée des Family Office qui souhaitent investir dans l’immobilier commercial, comme d’ailleurs dans l’immobilier résidentiel. Les Family Office ont une approche de l’immobilier différente de celle des fonds classiques présents au Luxembourg depuis bientôt 15 ans. Alors que ces derniers espèrent créer de la valeur pour leurs actionnaires, les Family Office cherchent plutôt des investissements qui conserveront leur valeur dans des temps plus incertains comme nous les vivons aujourd’hui. Ainsi en 2010, parmi les six transactions de ventes majeures, quatre sont le fait de Family Office.
Bien que ces statistiques soient importantes et intéressantes, il ne faut pas oublier qu’il y a des changements dans la législation, basés sur la directive 2002/91/CE du 16 décembre 2002, qui auront un vrai impact sur le marché immobilier de l’entreprise et ceci à compter de l’année 2011. Ainsi, à partir du 1er juin 2011, l’établissement d’un passeport énergétique sera obligatoire pour tout bâtiment fonctionnel lors d’un changement de locataire ou propriétaire. Par bâtiment fonctionnel on entend un bâtiment pris dans son ensemble dans lequel la surface destinée à des fins d’habitation est inférieure à 90 p.c. On rejoint ici les bâtiments d’habitation, pour lesquels la règle du passeport énergétique est valable depuis le 1er janvier 2010. Alors que le niveau de consommation d’un appartement n’est pas forcément un facteur primordial lors d’une location, dans un immeuble de bureau la différence de consommation énergétique peut rapidement atteindre des proportions importantes. Pour une surface de 1 000m², on peut ainsi constater des différences de consommation qui atteignent 20 000 euros par an. Il sera intéressant de voir si tous les propriétaires seront prêts au 1er juin et quel sera l’impact du passeport énergétique sur le choix des locataires et sur les loyers hors charges des différents immeubles.Théoriquement à partir du 1er juin 2011, chaque nouveau bail devrait contenir en annexe le passeport énergétique de l’immeuble en question. On peut donc s’interroger sur la validité d’un bail dans l’éventualité où le passeport énergétique n’était pas fourni par le propriétaire. Nous ne pouvons qu’encourager les propriétaires d’immeubles fonctionnels à ne pas attendre le 1er juin pour se renseigner auprès de leurs conseillers habituels sur les mesures à prendre pour leurs immeubles.
Un autre volet très important et peu connu des acteurs de l’immobilier de l’entreprise a été récemment analysé lors d’une conférence à la Chambre de commerce. Il s’agit de l’impact de l’échéance prochaine des commodo sur les immeubles administratifs et commerciaux. Alors que le certificat de performance énergétique devrait surtout intéresser les propriétaires, puisqu’il s’agira d’une condition sine qua non pour louer ou vendre leurs biens à partir de juin 2011, le renouvellement du commodo sur un immeuble administratif a un impact direct sur le locataire. Le cadre légal et réglementaire est la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, telle que modifiée (ci-après « la loi de 1999 »). Il faut savoir que beaucoup d’autorisations, en particulier celles délivrées à la fin des années 1990, contiennent une période de validité généralement limitée à 15 ans à partir de leur date de délivrance. Ainsi certaines autorisations devront être renouvelées bientôt pour ceux qui souhaitent pouvoir continuer à exploiter leur immeuble. Selon le bureau d’études, coorganisateur de la conférence, le renouvellement des autorisations existantes pourrait rapidement dépasser les 24 mois. Dès lors pour être prêt en 2014, il ne faut pas trop tarder pour s’en préoccuper. Un autre aspect intéressant soulevé par le bureau d’avocats coorganisateur de la conférence, est que très souvent la responsabilité du renouvellement de l’autorisation (locataire ou propriétaire) et la prise en charge financière des travaux de remise en conformité de l’immeuble ne sont pas clairement établies. Ainsi au Luxembourg, on peut trouver presque autant de baux différents que d’immeubles. Le premier conseil des avocats était donc de bien relire son contrat de bail et d’essayer de déterminer quels travaux/charges incombent au locataire et/ou propriétaire. Nous ne pouvons donc que suggérer aux locataires ainsi qu’aux propriétaires de se pencher dès maintenant sur le sujet du renouvellement des commodo et de se tourner vers leurs conseillers habituels.