Paul Helminger estime à 8 000 mètres carrés les surfaces de bureaux « clandestines » qui devraient normalement être affectées à des surfaces d’habitation et servir sa politique de repeuplement de la capitale. Convertis en unités d’habitations, ça ne devrait pas faire très loin de 800 logements et au moins deux à trois fois plus d’âmes, en peine de se trouver un toit dans la capitale, qui ne connaît d’animation que pendant les heures de bureaux et se vide passé 18 heures.
Le bourgmestre DP, qui s’exprimait la semaine dernière lors d’un city breakfast, travaille pour l’heure au pifomètre, les déclarations obligatoires que l’administration communale a envoyées aux ménages de la capitale à la fin de l’année 2009 n’ayant pas encore toutes été analysées. Ce travail devrait être finalisé en mars avec des chiffres définitifs sur le nombre de logements non occupés et de logements transformés en bureaux sans autorisation de l’administration communale. Le questionnaire controversé de la ville de Luxembourg s’appuyait sur la loi du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation et modifiant certaines dispositions du code civil. Le but est entre autres d’établir un « cadastre » des loyers dans la capitale et, dans la meilleure des hypothèses, pouvoir agir sur leur niveau de prix.
Le texte prévoit notamment qu’une habitation ou un local habituellement loué pour servir de logement ne peut être soustrait à cette vocation pour devenir, par exemple, un bureau ou un commerce, sauf autorisation expresse du collège des bourgmestre et échevins. Le collège des bourgmestre et échevins peut obliger les propriétaires des immeubles ou parties d’immeubles non-occupés destinés à servir de logement à les déclarer à l’administration communale, précise la loi. Une infraction à ce dispositif peut valoir une amende de 251 à 50 000 euros et/ou « un rétablissement des lieux transformés dans leur pristin état ».
Qui a ce pouvoir de réclamer le rétablissement des lieux ? Le bourgmestre ou un juge ? La question de la délimitation du pouvoir du maire a été abordée du bout des lèvres au début du mois de janvier par les juges du Tribunal administratif dans le cadre d’un litige opposant le bourgmestre de la Ville de Luxembourg à un notaire.
Les études de notaire, mais ça pourrait être aussi les cabinets d’avocats ou d’autres professions libérales, sont-elles des commerces de quartiers ? La question a été posée récemment au tribunal administratif par le notaire, qui a mis en cause une « sommation » du bourgmestre de la Ville de Luxembourg de quitter les locaux de son étude pour la réinstaller dans un lieu approprié, le plan d’aménagement général de la ville n’autorisant pas de bureaux dans l’immeuble où il est installé à l’heure actuelle. Les juges n’ont pas répondu à cette question, la lettre du bourgmestre ne pouvant pas être considérée au stade actuel comme une décision administrative (de refus) et, à ce titre, attaquable devant les juridictions administratives. « L’information que le bourgmestre transmet au demandeur qu’une étude de notaire n’est pas à considérer comme quartier de commerce est à qualifier d’opinion du bourgmestre destinée à éclairer l’administré sur les droits qu’il peut faire valoir ou plus généralement sur sa situation juridique », indique le jugement du Tribunal administratif.
Cette « décision » a surtout été l’occasion de rappeler ce que la loi prévoit et de délimiter aussi les pouvoirs du bourgmestre et du collège échevinal. La loi du 19 juillet 2004 sur l’aménagement communal et le développement urbain punit d’emprisonnement de huit jours à deux mois et/ou d’amende (251 à 125 000 euros) celui qui enfreint aux prescriptions des plans ou projets d’aménagement généraux ou particuliers. Sur le fondement de ce texte de 2004 (et non celui de 2006 sur le bail d’habitation), c’est évidemment à un juge d’ordonner la suppression des travaux ou le rétablissement des lieux dans leur état initialement prévu. Cette attribution échappant au bourgmestre.
Avait-il alors le droit d’écrire au notaire l’informant que l’immeuble abritant son étude n’avait pas été autorisé comme bureau ? « À un stade précontentieux, dit le tribunal administratif, il est admis que le bourgmestre invite un administré à se conformer aux règles urbanistiques en vigueur avec comme conséquences la remise des lieux en leur pristin état, cette invitation pouvant, comme en l’espèce, revêtir la forme d’un courrier adressé à l’admnistré, proportionnée à la gravité apparente de la situation en fait, du moment qu’il appert que cette invitation est un préalable à des poursuites judiciaires que l’administration communale envisage d’entamer afin d’obtenir la condamnation de l’auteur de l’infraction (…)». « Une telle invitation, poursuit le jugement, doit être considérée comme mesure d’exécution préliminaire dans la saine intention de conférer à l’administré l’occasion d’éliminer volontairement dans un certain délai le résultat de son agissement illégal tout en évitant une condamnation afférente de la part du juge judiciaire ».
Reste à savoir ce que le notaire et tous les autres contrevenants feront de cette « invitation » du maire.