Activité de la construction

Consolidation

d'Lëtzebuerger Land vom 17.02.2011

Les entrepreneurs luxembourgeois ne voient plus actuellement le marché avec des lunettes noires, s’ils l’ont d’ailleurs jamais vu ainsi : à la dynamique du secteur résidentiel, qui avait fait une pause pendant deux ans, se greffe la réactivation de grands projets dans le non résidentiel ainsi qu’un boom des travaux de rénovation énergétiques. De quoi donc leur redonner du baume au cœur, après un « repli » de l’activité et des embauches gelées.

Dans la dernière enquête sur l’évolution de leur carnet de commande réalisée par le Statec, ils ont témoigné d’un « optimisme clairement ascendant » et fourni des opinions favorables sur leurs carnets de commande, leur activité récente, les perspectives d’emploi et la durée de leur activité. « Ils sont plus optimistes, ou disons moins pessimistes, car il faut tenir compte d’où ils viennent », indique dans un entretien au Land, Bastien Larue du service conjoncture et prévisions du Statec.

Les chiffres témoignent de cet optimisme relatif retrouvé des petits patrons de l’artisanat du bâtiment (ils ont eu le moral dans les chaussettes, particulièrement après l’été 2009) : la valeur ajoutée de la branche de la construction a progressé de 2,5 pour cent en moyenne par trimestre au cours des trois premiers trimestres de 2010. Le secteur représente un poids de cinq pour cent de la valeur ajoutée de l’économie luxembourgeoise et a correspondu à douze pour cent de la croissance du PIB en 2010, sur la base des trois premiers trimestres. Les intempéries de décembre pourraient faire baisser légèrement ce chiffre sans pourtant en inverser la tendance. En termes d’emplois, avec 37 589 personnes (fin septembre 2010), le bâtiment représente plus de dix pour cent de la population active. Plus de la moitié de ces personnes sont occupées par des entreprises de travaux spécialisés, dominées par l’artisanat du bâtiment (entreprises de moins de dix salariés). Le Statec note que les pertes d’effectifs (« relativement limitées »), intervenues en 2009, ont été effacées depuis lors.

La crise économique a frappé différemment les secteurs de la construction et en tout cas moins fort que chez les voisins allemands, français ou belges : le gros œuvre et le génie civil ont été moins impactés en 2009 et 2010 que les métiers du parachèvement technique. Les promoteurs, qui avaient engagé des chantiers, ont bien été obligés de les terminer, baisse de l’investissement ou pas, tandis que les projets de rénovation, davantage le fait des ménages, ont été gelés en attendant la venue de jours meilleurs. Les travaux « verts », rénovation énergétique, contribueront sans doute à un regain d’activité dans l’artisanat du bâtiment. En France par exemple, la croissance de l’activité devrait être de deux pour cent essentiellement grâce au boom des travaux de rénovation énergétique.

Ainsi, la production dans le gros œuvre et le génie civil a progressé de 3,4 pour cent en 2009 et de 2,7 p.c. au cours des onze premiers mois de 2010. En revanche les travaux spécialisés ont vu leur production flancher de - 1,4 p.c. en 2009 pour reprendre un peu de vigueur l’année dernière avec une hausse de 0,9 p.c. « Le Luxembourg fait de la résistance », avait souligné Bastien Larue lors d’une intervention à l’automne 2009, au milieu de la crise économique qui a vu la production dans le secteur de la construction dégringoler de 8,4 p.c. En Belgique au premier semestre 2009, - 6,2 en France, - 3,9 en Allemagne, - 11,4 en Espagne, mais « seulement » - 1 p.c. de chute de régime au Luxembourg.

La branche n’a pas été épargnée par la crise, note le Statec dans sa Note de Conjoncture 2-2010, qui parle de « repli » mais pas d’effondrement, tel que l’a connu par contre l’activité industrielle luxembourgeoise. « Au niveau luxembourgeois, souligne la Note, les indicateurs de volume et de prix témoignent plutôt d’une pause dans le mouvement haussier du marché immobilier lors de la crise mais, là encore, pas d’un effondrement ou d’un affaissement brutal. »

Les volumes à bâtir ont tout de même accusé le coup, selon le Statec : la chute a été de 14 pour cent dans le non résidentiel et de neuf dans le résidentiel en 2009. Les indicateurs sont revenus au vert l’année dernière : + 14 p.c. dans le résidentiel et + 10 dans le secteur non résidentiel au cours des onze premiers mois de 2010.

Les autorisations de bâtir sur le segment des maisons individuelles ont contribué à la dynamique de 2010 : 666 autorisations de bâtir ont été enregistrées au premier semestre 2010 contre 367 au cours des six premiers mois de 2009. Les projets dans le secteur résidentiel ont progressé de 24 pour cent au premier semestre 2010, ceux du secteur non résidentiel de 28 pour cent.

Bien que ces données doivent être manipulées avec précaution, le chiffre d’affaires du secteur de la construction a bondi en valeur de 34,6 pour cent au cours des trois premiers trimestres de 2010, alors qu’il avait reculé de 18,5 p.c. en 2009, mais avait affiché une tendance positive en 2008 (+13,4 p.c.).

Le Statec s’attend à une poursuite en 2011 de la hausse des prix à la construction, dans la suite logique du renchérissement des prix des matières premières, alors que 2010 s’est caractérisée par une stabilité des prix, voire une baisse. Les statisticiens expliquent ce phénomène par l’impact décalé que la baisse des prix des matières premières au début 2009 a produit au grand- ­duché.

S’il n’y a pas eu d’effondrement de l’activité en 2009, certains signes ont inquiété les économistes : le prix des prestations de production ont évolué au ralenti en 2009, certains ayant même accusé une baisse. Ainsi le gros œuvre a vu ses prix chuter de 0,6 p.c sur un an au second trimestre, les travaux de terrassement de - 0,9, les ouvrages en béton armé de - 2,3. En revanche et dans le même temps, les prix des prestations des travaux de toiture ont évolué à la hausse (+ 1,5 p.c.). Facturation aussi à la hausse de 1,9 p.c. pour les installations techniques.

La crise du secteur du bâtiment a sans doute contribué à la modération des prix dans les matériaux de construction. La reprise amorcée, les entrepreneurs ont moins de mal à faire passer des hausses de prix de leurs prestations. Aussi, la modération de 2010 ne devrait pas durer et contribuer à peser sur le renchérissement des prix de l’immobilier.

Sur le plan social, l’apparente bonne santé du secteur de la construction a ravivé les revendications des syndicats qui ont récemment plaidé pour une revalorisation des salaires et une augmentation de la prime de fin d’année dans le cadre de la convention collective de travail dans le bâtiment et le génie civil qui concerne 14 000 personnes. Le LCGB et l’OGBL espèrent que les patrons aborderont les négociations « dans un esprit constructif et de bonne foi ».

Véronique Poujol
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