Patrimoine industriel

d'Lëtzebuerger Land vom 19.09.2025

Il y a le patrimoine noble, qui rassemble les témoins de l’histoire religieuse et politique d’un territoire, et le reste. Le premier se trouve sur les cartes postales (quand elles existent encore, tout du moins) et garnit les pages des guides touristiques. Il fait la gloire des villes et des villages, qui le mettent systématiquement en avant et construisent leur identité autour. On le défend avec vigueur et fierté. On envie celui du voisin, parfois.

Il est beau, il est clinquant, mais il n’est pas tout. Le nouveau livre publié par l’Institut national pour le patrimoine architectural (INPA) vient réparer de manière fort intéressante ce désamour pour un autre héritage. Celui du labeur, réminiscence vernaculaire d’un passé ouvrier dont on ne sait souvent pas trop quoi faire. Ces témoins branlants, plus ou moins pollués, n’en racontent pas moins l’histoire non seulement du pays, mais aussi des hommes et des femmes qui l’ont créé à l’ombre des hautes cheminées et des bâtiments aux dimensions XXL.

XV, c’est le nom de l’ouvrage, se concentre en effet sur le patrimoine industriel en donnant quinze exemples de réaffectations et de mises en valeur de friches. Ces bâtiments, parfois des ruines, sont les témoins d’un changement d’ère. Le Luxembourg agricole s’ouvre à l’industrialisation, les ouvriers quittent les champs pour prendre leur quart à l’usine. Le livre détaille ce qui se passait sur les anciens sites sidérurgiques du sud du pays à Esch, Schifflange, Dudelange, Differdange, Pétange ou encore aux abords de la capitale, à Dommeldange. On comprend les processus, le rôle des bâtiments et un peu mieux les rudes tâches allouées à ceux qui faisaient tourner les machines. L’ouvrage précise aussi leur futur, des réaffectations qui peuvent être largement avancées (Belval), en cours (Brasseurs Schmelz/Rout Lëns, Néischmelz) ou à venir (Metzeschmelz).

Un focus particulier est placé sur le patrimoine ferroviaire, dont la richesse est insoupçonnée. On y apprend beaucoup sur l’architecture des gares classées, mais aussi sur le matériel roulant. L’État possède à ce jour 18 locomotives et autorails, ainsi que 48 wagons autrefois utilisés pour le transport de personnes comme de marchandises. Grâce à l’action de plusieurs associations, la plupart d’entre eux sont état de marche. Certains relient la gare de Pétange au Fond-de-Gras (Train 1900).

Si la majorité de ces engins sont stockés dans des hangars et invisibles aux yeux du grand public, le projet de création d’un Centre national du patrimoine ferroviaire permettrait de les placer à la vue de tous. Un chapitre est dédié à la construction de cet ambitieux Zuchmusée, soutenu par les CFL, dont l’avant-projet sommaire est déjà réalisé. Idéalement, le centre pourrait ouvrir ses portes d’ici sept ou huit ans. Avec une gare propre pour remettre ces ancêtres sur les rails, ce programme est colossal puisque son coût est actuellement estimé à près de 75 millions d’euros.

Le chapitre portant sur les anciens moulins, barrages et canaux relève, lui, un patrimoine encore moins connu. Ce sont pourtant ces moulins activés par la force hydraulique qui sont les plus vieux vestiges de l’épopée industrielle du pays.

Grâce à des textes relativement courts et la part belle donnée aux photographies, le livre est facile d’accès. S’il est à portée de tous, les informations précises issues des travaux de recherche menés par les équipes de l’INPA rendent l’ouvrage très riche et particulièrement intéressant. On peut se le procurer dans toutes les librairies du pays.

XV, Patrimoine industriel, exemples de réaffectations et de mises en valeur, INPA, 2025, 30 euros.

Erwan Nonet
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