Le Luxembourg a annoncé, le mardi 7 avril, qu’il contribuerait à hauteur de 80 millions d’euros, via la Société nationale de crédit et d’investissement (SNCI), à des projets financés par le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS). Cette décision a été accueillie chaleureusement à Bruxelles. « Je suis ravi d’apprendre que le Luxembourg contribuera au plan d’investissement. Il est très encourageant de constater que les États membres ont la ferme volonté de relancer l’investissement en Europe », s’est réjoui Jyrki Katainen, vice-président de la Commission européenne chargé de l’emploi, de la croissance, de l’investissement et de la compétitivité, ajoutant qu’il examinerait « le plan plus en détail avec des membres du gouvernement, des chefs d’entreprise et des étudiants luxembourgeois lors de [sa] visite dans le pays le 27 avril ». Après l’Allemagne, l’Espagne, la France et l’Italie, le Luxembourg est le cinquième pays à participer financièrement au plan, avant même que le FEIS n’ait été officiellement institué.
Le Fonds européen pour les investissements stratégiques est au cœur de l’offensive de la Commission européenne pour relancer l’investissement. Lors de l’adoption de la proposition législative par l’exécutif européen en janvier 2015, Jean-Claude Juncker avait déclaré « c’est un grand pas en avant pour remettre les Européens dans le circuit de l’emploi et donner un coup de fouet à l’économie de l’Union ». Le défi qu’entend relever le président de la Commission, c’est de mobiliser 315 milliards d’euros d’investissements publics et privés dans l’Union européenne. À l’origine de cette démarche, un constat : depuis le déclenchement de la crise, l’investissement a chuté en Europe de quinze pour cent par rapport à son niveau le plus élevé, atteint en 2007. Si des liquidités financières sont toujours présentes dans le secteur des entreprises, la Commission estime que « les perspectives économiques incertaines et le niveau élevé de dette publique et privée dans certaines régions de l’UE freinent l’investissement ». Le FEIS devrait jouer un rôle de déclencheur.
Concrètement, le projet de règlement FEIS sera adopté au plus tard en juillet 2015 afin que le fonds soit mis en place en septembre et que les projets d’investissements dans les infrastructures débutent dès l’automne. Les projets des PME seront, quant à eux, préfinancés avant l’été. Une garantie de seize milliards sera établie dans le cadre du budget de l’UE. Elle sera financée au moyen des marges du budget de l’UE, du mécanisme pour l’interconnexion en Europe et du programme Horizon 2020. La BEI engagera également cinq milliards d’euros. L’effet multiplicateur attendu est de 1:15, ce qui signifie que la Commission estime qu’en moyenne, un euro mobilisé par le fonds peut générer quinze euros d’investissements dans l’économie réelle qui n’auraient pas eu lieu sans cela. Le FEIS prévoit trois modalités d’intervention des États-membres : à travers des contributions directement dans le fonds, via des banques nationales promotionnelles ou des plateformes d’investissement et en cofinançant des projets individuels.
« Le gouvernement favorise le modèle du co-financement de projets à travers la SNCI », explique Pierre Gramegna, ministre des Finances, le 2 avril 2015, en réponse à une question parlementaire posée par Justin Turpel. Parmi la première liste provisoire de 2 000 projets potentiels recensés par la task force de l’UE, seuls 35 concernent le Luxembourg. Dans une note de cadrage sur le programme de stabilité et de croissance, le gouvernement met en lumière les exemples de l’amélioration de la ligne de train Bruxelles-Luxembourg, de la mise en place d’une ligne à haute tension entre la Belgique et le Luxembourg, de la mise en place de parkings au niveau des frontières afin de faciliter le déplacement au travail aux frontaliers et de favoriser la mobilité durable ou encore de la réouverture de la « Trierer Weststrecke ». Le processus de concertation pour la sélection de projets est toujours en cours, sous la houlette du ministère des Finances. À partir de septembre 2015, les porteurs de projets pourront solliciter directement des financements sans passer par l’intermédiation du gouvernement. « L’effet final sur l’économie luxembourgeoise du ‘plan Juncker’, bien qu’estimé positif, ne saurait être analysé qu’une fois les projets d’investissement sélectionnés », estime Pierre Gramegna.
L’enjeu stratégique est donc de miser sur les bons chevaux. « Il nous faut à présent évaluer les projets et sélectionner ceux qui sont économiquement viables et peuvent le mieux stimuler la compétitivité de l’économie européenne », explique Werner Hoyer, président de la Banque européenne d’investissements (BEI). Si la Commission a énuméré un certain nombre de priorités (énergie, économie numérique, technologies de l’environnement, transport), la proposition de règlement prévoit de la flexibilité en la matière. Dans sa note de cadrage, le gouvernement luxembourgeois soulève également l’importance du critère bruxellois d’« additionality », qui signifie que le FEIS ne financera que des projets qui, sans son intervention, ne verraient pas le jour. Ceux qui sont d’ores déjà entamés ou décidés devraient donc, a priori, être exclus de la sélection. In fine, la communication de la Commission intitulée Un plan d’investissement pour l’Europe prévoit que « les projets seront validés par un comité d’investissement indépendant en fonction de leur viabilité et de l’assurance que les aides publiques n’excluront ni ne supplanteront l’investissement privé ». C’est maintenant aux porteurs de projets luxembourgeois de jouer.