Tout le monde aime Germaine Damar. « Elle est jolie, elle est gentille et elle danse bien, » est la définition que ses collègues de travail avaient d’elle à l’époque, raconte Germaine Damar au début du documentaire que lui consacre Michael Wenk et qui vient de sortir en DVD1. Qu’elle était la « girl next door », qui ne faisait peur ni aux hommes ni aux femmes, naturelle, charmante, toujours souriante, « toujours impeccable » dit un autre de ses collègues. Et on veut bien le croire, car à chaque passage au Luxembourg, elle sourit, fait quelques pas de danse sur scène à 70, 75 ou 80 ans passés, et tous les cinéphiles vieillissants, même les plus craints par ailleurs, tombent en pâmoison devant cette starlette des années 1950 qui a su « rester si simple ».
Ce n’était donc qu’une question de temps avant que le Centre national de l’audiovisuel, dans son grand œuvre de documenter l’histoire du cinéma autochtone et tout ce qui y touche de près ou de loin, ne lui consacre un portrait. Après que Michael Wenk ait réalisé un portrait complaisant de René Deltgen, autre acteur luxembourgeois ayant fait carrière en Allemagne – même sous le nazisme, ce que ses compatriotes ne lui pardonnèrent pas –, portrait sans aspérités ni critiques (Der sanfte Rebell, CNA, 2004), c’est donc sur lui qu’est tombé le choix du réalisateur. Et le résultat est à l’avenant : méticuleux, bien recherché, mais aussi excessivement linéaire et laborieux (comme cette manie de toujours utiliser des images de façon redondante : on parle de l’exil à Paris : hop, des images de la Tour Eiffel, Damar cite Munich : hop, quelques plans larges de Munich et un plan rapproché de l’hôtel en question, c’est agaçant).
Donc, en gros : Germaine Damar est née Haeck à Pétange en 1929, et a trois sœurs avec lesquelles elle suit des cours de gym ; sa mère les soutient. On est en pleine crise économique, puis vient la guerre, la famille part à Paris, où Germaine commence une carrière d’acrobate, puis de danseuse. Un heureux enchaînement d’événements lui fera rencontrer Zarah Leander, qui l’introduira au milieu du cinéma d’après-guerre en Allemagne. Nous sommes dans les années cinquante, les Allemands ont besoin de rêver, alors on leur sert des comédies musicales nunuches dans lesquelles Germaine Damar – ce sera son nom de scène – incarne la jeune première. Au début, elle est encore un peu rigide et trop appliquée, a un accent luxembourgeois, mais elle apprend vite, « j’ai toujours su m’adapter dans la vie » raconte-t-elle fièrement, et va tourner dans 28 films. Jusqu’à ce que le dernier, Glück und Liebe in Monaco (1959), qu’elle coproduit, la ruine. En tournée en Argentine, elle rencontre son futur mari, l’épouse en cinq minutes à Las Vegas – et arrête le cinéma pour toujours. Elle vit aujourd’hui avec son fils à Fort Lauderdale en Floride et semble heureuse. C’est si peu spectaculaire que cela.
Le problème est que le film l’est aussi : peu spectaculaire. Il est même ennuyeux, à force de ne pas prendre position, de ne pas choisir d’angle. Dans un souci d’être complet, Michael Wenk compile un nombre impressionnant d’entretiens avec les anciens collègues de Germaine Damar, qui sont aujourd’hui octogénaires (d’ailleurs Walter Giller vient juste de mourir) et ne se souviennent plus tant que ça de cette époque. Une historienne de théâtre analyse les pas de danse, et le Luxembourg n’apparaît que quelques secondes en tant que coulisse d’une visite de l’actrice ici. Aucun intervenant local ne raconte par exemple comment les nationaux ont perçu cette danseuse reconnue à l’étranger. Mais surtout, le film est plein d’anecdotes qu’on aurait aimé voir développées, comme cette soirée de spectacle devant le roi Farouk d’Égypte, dont l’évocation fait naître toutes sortes de fantasmes.
Ainsi, ce DVD semble surtout destiné au public allemand – et peut-être pour l’une ou l’autre projection commune lors des longues soirées d’hiver dans les maisons de retraite.