Que ce soit pour la sortie d’un nouveau disque ou bien à l’occasion d’un évènement institutionnel d’ampleur, Pascal Schumacher, le désormais incontournable musicien autochtone, revient sans cesse au cœur de l’attention médiatique et musicale, et très souvent à raison. Il y a quelques semaines encore, il assurait pour la seconde année consécutive la direction artistique du festival Reset à Neimënster. Mercredi 30 janvier, il présentait son dernier projet, Rosace.8 (« rosace dot eight ») à la Philharmonie, accompagné sur scène par une partie de l’Orchestre philarmonique du Luxembourg. Une quinzaine de cordes donc pour accompagner le vibraphoniste le temps d’une seule soirée. Un one shot, enregistré et qui donnera lieu à un album live. Retour sur la prestation qui s’est déroulée en dix temps, pour dix mouvements.
Mercredi au soir, la Philharmonie est vivante. Les chutes de neige de la matinée n’ont pas affecté le public venu en nombre. C’est que cet évènement est attendu. L’institution n’a d’ailleurs pas lésiné sur les moyens employés. Outre les nombreuses affiches qui ornent les panneaux d’annonce de la capitale et de la publicité déployée dans la presse, c’est aussi en ligne qu’une véritable campagne a été menée. De la part de l’artiste déjà, qui a publié une courte vidéo du type Konbini et consorts dans laquelle il présente son projet en répondant à de courtes questions affichées à l’écran, mais aussi de la Philharmonie. La veille, sur la page facebook de l’institution, on découvrait une autre vidéo dans laquelle le musicien donne un avant-goût du spectacle. Les spectateurs sont prévenus : la pièce pour vibraphone et orchestre de chambre, qui devait initialement être composé de huit mouvements, proposera dix atmosphères, dix ambiances différentes.
Sur les coups de vingt heures, le musicien arrive sur la scène du grand auditorium. Il serre la main du premier violon Philippe Koch, ôte sa veste et donne le la. Aucun chef d’orchestre, les musiciens vont devoir suivre la cadence et se caler sur l’imposant vibraphone. Le premier mouvement annonce la couleur. C’est orchestral, assurément symphonique et assez japonisant. C’est aussi facile d’accès, joli mais gentillet. Le virage électronique de Pascal Schumacher, initié sur Drops & Points Reworks, ne semble plus être d’actualité. Derrière l’orchestre, où sont accrochées les tuyaux de l’orgue, trois rosaces sont projetées. Les trois premiers mouvements s’enchaînent sans accroc. Après des applaudissements nourris, le compositeur et interprète prend le micro pour s’adresser à l’audience. Lui qui est aussi connu pour ses interventions parfois interminables, rassure les spectateurs avec malice, il sera court. Il présente brièvement les pièces, remercie l’institution et s’empare à nouveaux de ses baguettes distinctives à bouts bleus.
Soixante-dix minutes durant, les mouvements s’enchaînent. Parfois de courtes liaisons improvisées par le vibraphoniste font le lien entre deux parties. À d’autres occasions, un léger flottement peut aussi se faire sentir. Philippe Koch tire forcément son épingle d’un jeu néoclassique et symétrique. À deux ou trois occasions, les musiciennes et musiciens offrent un jeu plus audacieux, notamment lorsque les percussions se font enfin entendre, provoquant de vives réactions de la part du public. Des « bravo ! » et des « woaw ! » fusent, à croire que quelques coups de caisse et de tambour suffisent à provoquer une standing ovation. L’énergie et le rythme payent. En résulte une belle pièce, travaillée, mais qui ne restera probablement pas, car trop institutionnelle et c’est là tout le paradoxe.