Le premier, Kuston Beater, est l’avatar musical de Christophe Peiffer, touche-à-tout d’origine française dont les multiples facettes ont déjà été mises en exergue dans la page Stil de cet hebdomadaire. S’il peut se targuer d’une activité musicale de plus d’une douzaine d’années, mis à part quelques morceaux sur l’un ou l’autre compilation, sa discographie était pour ainsi dire nulle. La sortie de cet éponyme six titres sur la structure messine ChezKitoKat change cette si longue absence.
La pochette, on ne peut plus suggestive, donne le ton. Sur plus de quarante minutes, Kuston Beater déploie un disco lascif, volontiers sexué et hédoniste, mais également très cosmique. Grâce à une culture éléphantesque, il puise avec un certain goût dans les bibliothèques sonores des années 70 afin d’assembler ces morceaux qui se situent entre Lindström, Black Devil Disco Club et un Etienne de Crécy ralenti période Superdiscount. Ce faisant, il ravive le spectre d’une french touch version 1.0, bien moins vulgaire (sauf pour l’un ou l’autre calembour graveleux sur les titres) et bas-du-front que son héritière et l’Ed Banger de base, mais tout aussi référencée. Avec élégance et beaucoup de patience, il place ces effets sur des morceaux qui tournent souvent sur plus de cinq minutes, en lorgnant légèrement vers un kitsch très cols pelle à tarte.
Cuivres péplums et/ou 70’s, basses sourdement sensuelles, beats discoïdes et synthétiseurs millésimés Space Art et Jean-Michel Jarre s’accouplent pour des résultats souvent cinématiques comme sur Chicken walk, semblant sortir d’un polar européen de la fin des 70’s ou plus orientés dancefloor avec A penis is a worm gun. La lascivité règne en maître sauf pour Hacksaw bruton, beaucoup plus funky et rapide avec son clavinet qui donne le ton.
Quant à Cyclorama, depuis This is space rock, so keep your hair on, Sébastien Laas n’est plus tout seul. En s’adjoignant une section rythmique en chair et en os (Pit Reyland à la batterie et Yves Stephany à la basse), le projet solo est devenu un groupe taillé pour les concerts. Ce Soundwave EP, enregistré en prise directe (le son est d’ailleurs un peu baveux, même si le relief des guitares persiste), s’échine à le prouver sur l’entièreté des six instrumentaux, disponibles uniquement en vinyle et en digital. Cyclorama est devenu une machine de guerre, un tank shoegazer prêt à casser du stade. D’une solidité et d’une efficacité sans failles, mais aussi avec la prévisibilité d’un char d’assaut.
Le cahier de charges est parfaitement respecté. On garde cet amour immodéré et presque monomaniaque pour les grandes heures du shoegazing (My Bloody Valentine, Swervedriver, Slowdive et Ride sont à l’honneur) et du spacerock 70’s. Ainsi, on trouvera ses guitares gorgées de delay et de réverbération, le pilonnage en règle des lignes de basse et de la batterie ainsi que les structures monotones flirtant avec un psychédélisme re-contextualisé.
Malgré une déception toute relative, on se retrouve vite la tête dans les étoiles, les riffs tournoyants gardent leur côté hypnotique et le rouleau compresseur fait son effet. La palette d’arrangements, autrefois foisonnante, laisse encore poindre sur le bout des doigts quelques touches d’intimisme sur Walls have ears et sa mélodie au piano électrique, ainsi que sur One for the road avec une construction par paliers réminiscente des premiers Spiritualized. Pièce maîtresse, Grey [&] green réussit le grand écart subtil et périlleux entre poésie sonique et déluge de puissance, montrant là le réel potentiel de Cyclorama. Ce ne sont quelques exemples qui laissent entrevoir une issue qui aurait été autrement plus enrichissante.