Après avoir sorti une plaque de Chihei Hatakeyama, Own Records remet le couvert avec un autre artiste japonais, Tomoyoshi Date. Il s’agit en fait de l’autre moitié d’Opitope, duo dans lequel officie également Hatakeyama. Pour cet Otoha, qui constitue sa deuxième escapade en solo après Human being, sorti sur Flyrec, Date se penche sur la paternité. En effet, ce recueil de six plages instrumentales a été conçu et composé à partir du moment où Date apprenait la nouvelle qu’il allait être père jusqu’à la naissance de sa fille Otoha, dont une photographie orne la pochette du disque. Bel hommage prénatal s’il en est, mais le choix du prénom n’en est pas moins innocent, Otoha signifiant en japonais le son des feuilles, ce qui donne au passage quelques indications sur le contenu sonore de cet album.
dont les durées oscillent entre huit et neuf minutes, à une exception près (Unfurling of young leaves se dénoue après trois minutes), déploient un langage et une palette des couleurs assez proches, car Tomoyoshi Date pratique un minimalisme électroacoustique apaisant, où le résultat finalement très épuré laisse poindre une économie de moyens assez rigoriste. Ainsi, un piano rêveur, qui égrène des notes dans une ambiance cotonneuse, se fait accompagner de bruits épars (ces fameux field recordings, des clochettes retravaillées au laptop, des discussions lointaines, mais aussi des drones irradiants qui gambadent en arrière-fonds) ajoutés en postproduction. Les lignes mélodiques de piano sont volontairement étirées et engourdies, soulignant ces instants d’apesanteur mentale où l’esprit se déconnecte un peu du réel pour s’émerveiller d’un instant fugace de grâce vécue ou ressentie. Détail qui a toute son importance, ces pièces sonores ont été toute composées de nuit. Voilà ce qui constitue la trame de travail de cet Otoha. D’emblée, la puissance d’évocation dans une musique, pourtant si douce, fait surgir autant d’images fortes, poétiques mais surtout intemporelles, comme les premiers rayons de soleil, l’éclosion d’une fleur, la chute des premières neiges, voire l’éveil des sens d’un nouveau-né. Seule intrusion à ce mode opératoire implacable est le violoncelle de John Friesen, qui s’insinue lentement mais sûrement sur Floating light on the waves. Cette approche laisse poindre
mais n’évite pas un écueil, et non des moindres : l’intangibilité. En effet, l’essence même de morceaux les rend insaisissables et vaporeux, la trame mélodique s’effaçant au profit d’une atmosphère. Malgré tout, ces paysages sonores sont exemplaires dans leur subtilité et dévoilent une candeur très touchante. Comme si Tomoyoshi Date, devant toutes ces questions qui accompagnèrent sa future paternité, laissait transpirer une excitation et une curiosité devant toutes ces inconnues mais aussi beaucoup de sérénité. À méditer dans un monde pourtant profondément anxiogène.