Le ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoireJean-Marie Halsdorf (CSV) se trouve dans une situation peuenvieuse vue la tournure que prend le dossier Shopping center Wickrange (d’Land 25/07). Car le feu vert de son camarade departi, le ministre des Classes moyennes Fernand Boden (CSV)pour la construction de 23 000 m2 de surface commerciale àproximité de l’autoroute A4 a l’apparence d’un désaveu parrapport aux efforts – chimériques – de cohérence en matièrede développement durable du gouvernement. Fernand Bodenn’avait suivi ni les recommandations de la commission de l’équipement commercial ayant rendu attentif au risque de déséquilibre entre l’offre et la demande dans les différents secteurs commerciaux, ni considéré les remarques formulées par la commission d’aménagement. Celle-ci s’était montrée plus que sceptique quant à l’impact de ce projet sur l’aménagement du territoire et le développement urbain de la région sud.
Le gouvernement se trouve donc devant un problème de crédibilitémaintenant que les grands principes du programme directeurde l’Aménagement du territoire et de l’IVL (integratives Verkehrs- und Landesentwicklungskonzept) vont être jetés par-dessus bord.Il est clair qu’ils ne pourront plus vraiment servir comme instrumentsde guidance pour l’avenir si un projet comme celui-ci est réalisé. Et de toute manière, une armée d’avocats se tient au garde à vous pour déconstruire toute assise normative ou même contraignante de ces axiomes, pourtant approuvés par le gouvernement.
À Jean-Marie Halsdorf de trouver la faille qui lui permettra de récupérer le dossier – un PAG ou un nouveau PAP à approuver – pour pouvoir retrouver ses marques. Or, le bourgmestre de la commune de Reckange-sur-Mess, Raymond Sinnen, insiste sur le fait qu’aucun nouveau feu vert de ce genre n’est nécessaire, car le projet ne concerne qu’un seul bâtiment sur un seul terrain qui, après quelques petites adaptations, sera conforme au règlement des bâtisses de la commune.
Le centre commercial de Wickrange servira d’ailleurs de test pourd’autres orientations de la politique du gouvernement. Tout cequi touche par exemple au concept de mobilité, cher au ministredu Transport et de l’Environnement Lucien Lux (LSAP). Fluidité dutrafic, promotion des transports en commun, engagements deKyoto sont trois composantes qui forment l’épine dorsale de sesdéclarations et apparitions publiques fréquentes. Or, dans ce casprécis, l’usage des moyens de transport privés sera en pratiquel’unique moyen d’accéder au centre commercial. Et l’A4 est déjàsaturée durant les heures de pointe. Il faudra donc s’attendreà une adaptation de l’accès à l’autoroute. D’après le bourgmestreRaymond Sinnen, le ministre des Travaux publics Claude Wiseler(CSV) aurait déjà donné son accord de principe pour la constructiond’un échangeur provisoire à Mondercange. Reste encore l’accèsaux parkings : la permission de voierie des Ponts et Chaussées etl’accord final du ministre de l’Environnement Lucien Lux ne manqueront sans doute pas à l’appel, une fois le projet sur les rails.
Des investissements publics énormes qui serviront des intérêtsprivés de l’entreprise internationale d’investissement et de développement de projets ING Real Estate Development Belgium etde l’entreprise Guy Rollinger, répondront les opposants au projet.La collectivité devra payer pour cette politique de laisser-fairedisent-ils, les centres commerciaux implantés aux abords des agglomérations créent des nuisances coûteuses non seulement pourle commerce des centres-villes, mais pour tous les contribuables.
Le Premier ministre Jean-Claude Juncker ne s’est pas encore prononcé en public sur le projet, ni sur sa vision du « Luxembourg,centre du commerce de la grande région ». Or, tout porte à croirequ’il est loin d’être opposé à la réalisation du Shopping centerWickrange. Quitte à sacrifier des principes fondamentaux de lapolitique gouvernementale. C’est l’éternelle contradiction de lathéorie et de la pratique.