Les banques ne pourront pas refuser de participer à l’élaboration de taux interbancaires de référence d’importance systémique tels que l’Euribor (Euro Interbank Offered Rate). C’est l’avertissement du commissaire en charge du Marché intérieur, Michel Barnier, à l’industrie bancaire européenne. Ces derniers temps certains établissements rechignent à participer au panel qui détermine la fixation de ce taux auquel ils s’échangent l’argent au sein de l’UE. Ils redoutent les conséquences négatives qu’ont subies certaines banques à la suite du scandale révélé en juillet dernier de manipulation du Libor (taux interbancaire britannique) établi par la British Banking Association (BBA) sur la base de la moyenne des déclarations des coûts auxquels empruntent sur les marchés à différentes maturités seize banques de références de la City. Ce « liborgate » a pour origine une fraude relative par certaines banques en vue de cacher le prix (plus élevé en réalité) auquel elles acquéraient des liquidités en faisant illusion sur leur santé financière.
Plusieurs enquêtes ont été lancées par différentes autorités de surveillance, dont la Commission européenne, pour débusquer des ententes sur des manipulations sur ces taux entre 2005 et 2009. Dans l’œil du cyclone notamment : la banque britannique Barclays qui a écopé 27 juin d’une amende de 362 millions d’euros au Royaume-Uni et aux États-Unis et qui a débarqué trois de ces principaux dirigeants, mais aussi HSBC condamnée à une amende de 1,9 milliards de dollars et la Deutsche Bank. Des enquêtes complémentaires ont été diligentées sur l’Euribor, le taux interbancaire européen.
Mais le départ de cinq banques depuis novembre 2012 (dont Citigroup Inc et Rabobank) du panel de l’Euribor parmi les 43 banques participant à son élaboration a suscité des questions quant à la crédibilité et à la viabilité de ce taux interbancaire. Comme pour le Libor, c’est la moyenne des taux déclarés par ces établissements du panel qui donne l’Euribor. Ce taux détermine notamment à combien les banques se prêtent entre elles. Il sert aussi de base de calcul à un grand nombre de produits financiers, de prêts aux entreprises et aux particuliers.
Ces départs inquiètent la Banque centrale européenne qui, le 8 février, a appelé les banques à rester dans l’Euribor, ou à y entrer si elles n’en faisaient pas encore partie. Elle craint en effet des perturbations éventuelles de son fonctionnement. Or « l'Euribor a une grande importance pour la mise en œuvre de la politique monétaire en zone euro », souligne la BCE. Même préoccupation de la Commission qui redoute quant à elle que « l'intégrité des taux de référence » n’en pâtisse. Le commissaire Barnier prépare un projet législatif prévu pour le deuxième trimestre 2013 et censé apporter une réponse aux manipulations avérées mieux encadrer la création, la production, l’utilisation et la supervision des indices de référence afin de mettre un terme à l’autorégulation de ces indices de référence. Il a annoncé le 7 février envisager « la possibilité de rendre obligatoire la déclaration des taux de référence systémiques tels que l'Euribor ». « Toute banque qui envisagerait de cesser de contribuer aux panels doit, par conséquent, tenir compte du fait qu’elle pourra être contrainte à y participer de nouveau », a-t-il prévenu. Et de rappeler que le Royaume-Uni a décidé d’imposer aux banques l’obligation de déclarer leur taux en ce qui concerne le Libor (taux interbancaire britannique).
Le Commissaire a encore précisé que ce sont les régulateurs qui détermineront quels acteurs seront soumis à cette obligation : « Mes services demanderont à l’AEMF [Autorité européenne des marchés financiers] et à l’ABE [Autorité bancaire européenne] de commencer des travaux préparatoires visant à identifier les banques qui, au vu de leur activité sur les marchés de prêts interbancaires, doivent être soumises à l’obligation de participer à l’élaboration des taux de référence ».
En parallèle, le 11 janvier dernier, l’ABE et l’AEMF ont adressé à l’association en charge de l’Euribor, Euribor-EBF (European banking Federation), des recommandations pour en améliorer le fonctionnement. Elles préconisent notamment de modifier la composition du Comité de pilotage de l’Euribor pour qu’il soit plus indépendant. Elles suggèrent encore d’élargir et de diversifier ses membres qui sont pour l’heure issus majoritairement de l’industrie bancaire.
La Commission a aussi prévu d’inclure dans la directive sur les abus de marchés des sanctions pénales aux opérations de manipulation d’indice eu égard aux conséquences systémiques qu’elles peuvent occasionner. Le Parlement et le Conseil sont d’accord sur cette approche.