En janvier 2009, l’agence Chine nouvelle annonçait fièrement que le gouvernement avait intensifié sa croisade anti-pornographie, portant à 91 le nombre de sites aux contenus pornographiques ou obscènes fermés en l’espace de quelques jours. Parmi les sites dans le collimateur de la censure figuraient des géants du Net comme Google, Baidu et MSN China. Les contrevenants aux régulations sur « la distribution publique d’images pornographiques » étaient solennellement invités à tenir compte de la poursuite de l’effort répressif annoncé pour les jours suivants et invités à se livrer eux-mêmes aux autorités.
Ce n’étaient pas des paroles en l’air. Un bilan rendu public par le ministère de la sécurité publique il y a quelques jours fait état de 9 000 sites web bloquées pour les mêmes raisons en 2009. Au passage, la police chinoise aurait procédé à quelque 5 400 arrestations, a indiqué l’agence Reuters, ce qui a débouché sur 4 000 enquêtes, soit quatre fois plus que l’an dernier. Au total 1,5 million d’images ou de descriptions « obscènes » auraient été mises hors ligne. Et le gouvernement chinois annonce un renforcement de la chasse à la porno-graphie cette année : en plus de la répression proprement dite, accompagnée d’une surveillance renforcée, il y aura aussi en 2010 une pression accrue sur les fournisseurs d’accès à Internet afin qu’ils intègrent des filtres anti-pornographie à leurs ré-seaux. Google a reconnu avoir été invité l’an dernier par Pékin à désac-tiver le dispositif de recherche « Google Suggest » qui fait apparaître des combinaisons de mots-clés au fur et à mesure que l’on tape dans la barre de recherche, apparemment utilisé par des internautes chinois pour accéder à des contenus inconvenants.
Les efforts des autorités chinoises pour préserver les Chinois des turpitudes qui pullulent en ligne ont aussi débouché sur une situation quelque peu ubuesque lorsque le ministère de l’Industrie et des technologies de l’information a annoncé en juin 2009 que tous les ordinateurs vendus en Chine devraient être dotés d’un logiciel filtrant, dit le « barrage vert d’escorte de la jeunesse », qui vise à la fois les contenus politiques et pornographiques. De sérieuses erreurs de programmation dans ce logiciel ont poussé des experts informatiques américains à mettre en garde contre le risque que ses failles soient utilisées par des hackers pour prendre à distance le contrôle des ordinateurs sur lequels le « barrage vert » est installé, que ce soit pour subtiliser des données, lancer des attaques de spam ou créer de vastes systèmes de botnets.
Succès de la téléphonie mobile oblige, les autorités chinoises ont aussi décidé d’endiguer la dissémination de contenus canailles sur les réseaux 3G. L’annonce en a été faite en novembre dernier. Dans la foulée, un quotidien spécialisé a publié un article conte-nant une liste de dix opérateurs autorisant la dissémination de contenus pornographiques par des canaux mobiles et en ligne. Peu après, un opérateur de téléphonie chinois, KongZhong, coté aux États-Unis, reconnaissait que ces mesures entraîneraient une baisse de son chiffre d’affaires, les opérateurs offrant des services de jeux en ligne sur les plateformes mobiles ayant décidé de cesser de les facturer même si ces services ne sont en rien illégaux. On comprend leur prudence lorsqu’on lit, dans les déclarations d’un officiel à l’agence Chine Nouvelle, que « la clé pour le grand nettoyage est de couper la chaîne du profit, ce qui implique à la fois les fournisseurs de services mobiles et les sites WAP » et qu’en cas de délit avéré, les personnes suspectées seraient remises à la police. On ne laisse rien au hasard.