Les actionnaires des fonds luxembourgeois investis dans Madoff seront privés de la lecture des rapports d’audit spéciaux, qui aurait pourtant pu apporter un éclairage supplémentaire dans les responsabilités – au niveau luxembourgeois s’entend – du scandale financier qui a envoyé Bernard Madoff en prison à vie et fait perdre des millions de dollars aux investisseurs petits et gros.
Lundi 30 septembre, la juge Brigitte Konz a renvoyé dans les cordes un actionnaire individuel de la Sicav LuxAlpha qui demandait, dans le cadre d’une procédure en référé un peu particulière (référé difficulté d’exécution) la production des rapports d’audit du cabinet Ernst [&] Young Luxembourg. Il ne s’agit pas de rapports ordinaires mais de documents dits « long form reports », en principe exclusivement réservés aux membres du conseil d’administration et à la CSSF. C’est une exigence que le gendarme de la place financière avait mise en place en décembre 2002, dans le sillage de la directive Ucit III, censée donner des gages de sécurité et de transparence aux investisseurs.
Le 19 février dernier, LuxAlpha s’est engagé, dans le cadre d’une procédure en référé (qui était alors dirigée contre UBS Luxembourg, la banque dépositaire) à verser volontairement à l’investisseur les rapports du réviseurs depuis la constitution du fonds. La juge fera d’ailleurs acter cet engagement. Rien ne se passe : la Sicav se contentant de produire les rapports publics d’Ernst [&] Young. Dans l’intervalle, la Sicav a été déclarée en faillite (avril 2009). Les liquidateurs, ouverts à une politique « libérale » de communication des pièces aux actionnaires, demandent quand même leur accord préalable à la banque dépositaire, à la CSSF et à Ernst [&] Young. Si les deux premières n’y voient pas d’inconvénient, le réviseur s’y oppose. Ayant le sentiment d’avoir été berné, l’investisseur assigne une nouvelle fois LuxAlpha en référé et demande du même coup la mise en intervention d’Ernst [&] Young.
Dans son ordonnance, la juge rappelle qu’un premier référé avait uniquement condamné UBS Luxembourg à produire des documents et que le « donner acte » se bornait à constater « comme le ferait par exemple un notaire, l’accord intervenu entre parties ». Pas question pour Brigitte Konz d’ouvrir une seconde affaire : « ce référé ne devant pas servir de voie de recours détournée ». Une nouvelle demande de communication de pièces (ce qu’a d’ailleurs contesté l’avocat de l’investisseur en parlant plutôt d’entérinement de la communication de pièces promises et ordonnées) est donc impossible aux yeux de la juge.
Faut-il voir dans l’ordonnance de Brigitte Konz un retournement de situation ? Oui, pensent des investisseurs français, en rappelant que la juge, contrairement à ses autres confrères qui ont eu à traiter « du Madoff », avait jusqu’alors accédé aux demandes de communication de pièces.