La tradition a été respectée. Les électeurs du Nord ont cette fois encore préféré le panachage au noircissement de listes complètes. Les résultats des trois grands partis sont formels : les suffrages nominatifs dépassent les votes de liste. C’est toujours particulièrement flagrant pour le DP, qui a obtenu 32 907 voix par candidats sur un total de 52 653 votes.
C’est la raison pour laquelle les candidats ont intérêt à pointer leur nez à chaque événement local pendant le grand marathon préélectoral. Certains poussent le dévouement jusqu’à l’abnégation, en apparaissant tous les jours à une dizaine d’inaugurations, réunions, fêtes – pourvu que les photographes y soient présents – pour atteindre un maximum d’électeurs. C’est sans doute aussi pourquoi certains cultivent l’accent local, au risque de passer pour des folkloristes aux yeux des électeurs des autres circonscriptions. Les quatre poids lourds du CSV nord ont su ainsi améliorer leurs propres scores et ceux de leur parti de 36,31 à 39,60 pour cent par rapport aux élections précédentes en 2004. En tête, la ministre de la Famille, Marie-Josée Jacobs (18 220), suivie de Marco Schank, Ali Kaes et Lucien Weiler. Ce dernier n’a pas su profiter de sa prestigieuse fonction de président du parlement pour passer en troisième position. Il dera sans doute se contenter de revenir au Krautmart en tant que simple député. Au moment où Marie-Josée Jacobs reprendra son fauteuil de ministre, le bourgmestre d’Ettelbruck, Jean-Paul Schaaf, prendra sa relève au parlement.
Si jamais Marco Schank, secrétaire général de son parti, était aussi appelé à participer au gouvernement – ne serait-ce qu’en tant que secrétaire d’État à la Culture ou au Tourisme par exemple – Emile Eicher, le bourgmestre de la commune de Munshausen pourrait aider à faire entendre la voix de la région à la Chambre des députés. Pour sa première participation aux élections, il vient d’obtenir un score intéressant, même s’il n’est pas particulièrement friand d’apparitions publiques ou médiatiques. Ses électeurs ont sans doute voulu encourager son engagement pour le développement de la région (il est président du syndicat Sicler, regroupant huit communes, et du Syndicat pour l’aménagement et la gestion du parc naturel de l’Our, comprenant treize communes). Au troisième essai, Edmée Juncker, échevine d’Ettelbruck, n’a pas passé la barre des 10 000 voix et reste dans le peloton de queue, derrière le newcomer Eicher.
Les mauvaises langues médiront qu’à l’origine, le CSV avait tenté de régler une vieille dette face à l’ancien député et bourgmestre d’Ettelbruck, Ed Juncker, en essayant de promouvoir la carrière politique de sa fille Edmée Juncker. Et qu’en fin de compte, il aurait pu étoffer sa liste de candidats autrement plus prometteurs pour éviter que l’ADR puisse récupérer son siège au Nord. Ce qui n’a pas été chose facile pour l’ADR après le départ du très populaire Jean-Pierre Koepp. Il fallut même quelques heures de suspens dimanche soir pour avoir la certitude que l’ADR allait finalement pouvoir garder son siège quand même – une dose homéopathique de voix qui permettront à Jean Colombera de retrouver la place qu’il avait dû céder en 2004.
Le LSAP a failli obtenir un deuxième siège au parlement, avec l’amélioration de son score de 15,77 à 17,41 pour cent – laissant en suspens une éventuelle participation au gouvernement de la tête de liste Romain Schneider (10 037 voix). Car le fait que les socialistes ont perdu des voix dans leur fief du Sud et que le bourgmestre de Wiltz a été capable de fortifier la présence des socialistes quasi-inexistants au Nord, joue en sa faveur, tout comme son engagement au sein du parti en tant que secrétaire général. Ce serait un signe fort de la part des socialistes que de le mandater au sein du nouveau gouvernement.
La grande surprise au Nord a sans doute été l’absence de raz-de-marée pour les libéraux, dont la locomotive Charles Goerens avait quitté le convoi pour se présenter aux élections européennes. L’équipe de la tête de liste Fernand Etgen n’a néanmoins pas pu éviter une perte de voix de 20,24 pour cent en 2004 à 18,18 pour cent, mais ce ne fut pas la catastrophe annoncée. Le DP a récupéré son deuxième siège au parlement avec l’élection d’André Bauler, échevin de la commune d’Erpeldange et ancien membre du CSV, en deuxième position (il était arrivé cinquième en 2004). Politiquement, il s’est surtout démarqué pour son engagement en faveur de la construction du lycée à Clervaux. Il est aussi réputé au Nord pour ses spectacles de théâtre historiques. Il pourra sans doute aider à porter la discussion sur le développement de la Nordstad à l’ordre du jour au parlement. Car les deux sujets de l’accord de coalition de 2004 concernant la région du Nord (les friches de Wiltz et la Nordstad) n’ont pas vraiment pris l’importance politique qu’il aurait fallu, ces dernières années.
Les Verts continuent à patauger au Nord. Seul le député-maire de Beckerich, Camille Gira, a réussi à maintenir la barre haute avec 9 441 voix. La deuxième candidate, Marthy Thull, arrive loin derrière, avec 3 607 voix. La campagne sur la réduction de CO2 de Greenpeace, avec des affichettes collées sur les panneaux officiels ne les a sans doute pas aidés – bien au contraire. La rumeur veut même qu’un des initiateurs aurait été un ancien candidat vert, déçu de ne pas avoir figuré sur la liste cette fois. Ce qui serait balourd comme un ours polaire.