La Commission européenne a présenté à la fin du mois de septembre une proposition de taxe sur les transactions financières qui s’appliquerait à l’Union européenne à partir de 2014 et peut-être même avant, le gouvernement français faisant pression pour qu’elle entre en vigueur dès 2012, ce qui paraît quand même assez improbable.
La taxe doit rapporter jusqu’à 53 milliards d’euros par an sur la base d’un taux de 0,1 pour cent sur les actions et les obligations et de 0,01 sur les autres produits financiers. Une partie des recettes financera le train de vie de la Commission européenne et constituerait une charge en moins pour les États membres.
La proposition a été discutée par les ministres des Finances des 27 en novembre, suscitant de vives oppo[-]sitions, parmi lesquelles celles des Britanniques, craignant pour l’avenir de leur place financière, et des Suédois. Bruxelles avait mis sur la table en 2010 une étude d’impact comparant différents systèmes de taxes à prélever, soit directement sur les banques, soit indirectement via la taxe sur les transactions financières dont plus de 80 pour cent se font entre les banques. L’introduction d’une taxe sur les transactions financières aurait un impact à long terme correspondant à 1,76 pour cent du PIB de l’UE. À court terme, ce serait 0,53 p.c. Le projet européen a d’abord été présenté comme une contrepartie aux aides accordées par les gouvernements européens aux banques pour sortir de la crise.
Pour tenter de débloquer le dossier face au veto britannique, la Commis-sion l’a renvoyé devant un groupe de travail au niveau du Conseil de l’UE. Il y a toutefois peu d’espoir de voir l’opposition des Britanniques levée. Si la taxe sur les transactions financières s’appliquait, les banques de Londres paieraient plus de 70 pour cent de la facture, selon les estimations du FMI.
Au Luxembourg, la situation devient presque cocasse : le Premier ministre et président de l’eurogroupe appuie des deux mains la taxe, tandis que le ministre des Finances n’en est pas un de ses plus chauds partisans. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que les deux hommes affichent des positions divergentes.La communauté financière grand-ducale ne se réjouit pas non plus à l’idée d’une taxe sur les transactions financières, d’autant moins que des incertitudes pèsent sur son champ d’application. Il est exclu, en raison de l’opposition des États-Unis, de l’étendre au niveau des pays du G20. Il n’est pas certain non plus que les 27 de l’UE l’adoptent. Reste à la mettre en place au niveau des 17 pays de la zone euro, sans les Anglais donc. Un scénario qui fait pousser des cris d’orfraie aux banquiers luxembourgeois déjà très préoccupés de la compétitivité du centre financier, un renchérissement faisant craindre une délocalisation vers des places échappant à la taxe.
Les seules informations calibrant l’impact possible d’une taxe au grand-duché viennent du FMI, mais ne concernent que l’un des scénarios, d’ailleurs rejeté au stade actuel, bien que la Commission en avait fait son cheval favori : la taxe sur les activités bancaires. Partant de l’hypothèse d’un taux de cinq pour cent frappant les banques luxembourgeoises (sans déduction fiscale possible d’ailleurs), le FMI juge que la taxe rapporterait des recettes correspondant à onze pour cent du PIB. Tentant ! Aucune prévision de recettes n’a été réalisée sur les rentrées liées à l’introduction de la taxe sur les transactions financières. Si ce choix devait être retenu, la taxe aurait l’avantage de frapper également le shadow banking, c’est-à-dire aux opérateurs financiers qui échappent au contrôle des autorités de surveillance.
Reste que le niveau de taxation suscite plus de questions qu’il n’en résoud ; la base sur laquelle les travaux prospectifs de la Commission se sont appuyés révélant des failles importantes. Les opérateurs du secteur financier ont ainsi refait les calculs en tenant compte uniquement des transactions dénouées par les deux maisons de clearing en Europe, Clearstream et Euroclear, et sont tombés sur un os : ce n’est pas 53 milliards d’euros que la taxe rapporterait, mais 500 milliards, et encore sur les seules transactions obligataires de gré à gré. La Commission aurait donc commis des erreurs arithmétiques, qui pourraient s’expliquer dans le fait que ses experts aient seulement tenu compte des transactions boursières, alors qu’une partie importante des opérations se font en dehors des bourses.
À l’aune de ces nouveaux éléments, qui ont déjà été communiqués aux autorités luxembourgeoises et devraient l’être aux organisations financières européennes, les banquiers espèrent que la Commission revienne sur le niveau du taux en le réduisant à 0,01 pour cent sur l’ensemble des transactions.