L’exposition Peintures de Jean-Marie Biwer (né en 1957 à Dudelange) à la galerie Nosbaum-Reding Art contemporain rassemble des nouvelles productions picturales de l’artiste ainsi que la nouvelle publication Journal de Paris en trois volumes. Voyage en continuité de l’intérêt pour la vie rurale et urbaine du peintre, perçue sous différents points de vue, à la recherche de l’image véridique du monde occidental.
« J’essaye toujours de faire une peinture didactique qui apprenne quelque chose aux gens ; après Picasso, Malevitch et Twombly comment faire évoluer stylistiquement la peinture aujourd’hui ? Je suis en dehors de ces problématiques formelles de la peinture, la forme est pour moi quelque chose de résolu. Ce qui m’intéresse est de voir comment fonctionnent les gens de nos jours. Prenez quelqu’un qui surfe sur le web ou celui qui zappe devant la télé. Cette densité, ce morcellement et cet éclatement sont omniprésents dans mon travail, » précise Jean-Marie Biwer.
Dans Peintures, une série de toiles de petits formats se jouxtent par combinaison de deux sur les murs. Les peintures sont numérotées (de un à 24) de manière systématique, entraînant vers un automatisme à la fois naturel et faussement réel. Et pourtant, le peintre conserve des éléments narratifs de l’histoire fragmentée des parcelles de son travail. Un début symbolisé par le titre Welcome to the Show, une fin par Thank you for coming. Le spectateur est convié poliment à entrer dans le travail de Jean-Marie Biwer.
Les diptyques, fonctionnant comme des reflets cassés de miroirs, « car avec une chose nous ne sommes pas capables de tout dire », donnent à voir une réalité dissonante, dont les formes explosent et se contiennent, peintes à l’aide de couleurs souvent flashy s’éloignant et se rapprochant du réel comme un vacillement constant, une impression d’ébriété, un délire psychédélique. Les figures paradoxalement figurées de personnes (modèle nu, proches), l’auteur (le peintre dans son sujet), l’objet (du quotidien, outils), l’animal (une vache) et bien sûr la nature (paysages, natures mortes) ont un style maîtrisé et abstrait, modulant les aplats de couleurs de façon géométrique et éclatée. Un grand ensemble vivant de fragments autonomes.
Les thématiques des peintures sont variées, une réinterprétation du suaire de Turin, le corps, Giotto et la scène théâtrale, les images se révélant grâce à la photographie et au négatif, les symboles, le banal, les possibilités de penser. « Je constate les choses de l’art occidental. Un artiste japonais ira vers l’esthétique, un artiste arabe vers l’arabesque et le caché, un animiste vers l’immanence tragique, c’est une autre optique culturelle ». Les icônes au sens warholien du terme sont présentes et la métaphysique émane des images de Biwer, des images marquantes. « En art, il y a deux possibilités, être totalement distant ou bien s’impliquer complètement. En peinture, c’est très difficile, à moins de faire quelque chose de glacial. Ce qui n’est pas ma nature, je suis comme un expressionniste engagé évitant d’être trop distant de ma peinture ».
Les grands paysages de Jean-Marie Biwer sont sublimes. Non pas qu’ils soient simplement beaux ou esthétiquement réussis (ce qu’ils sont), mais sublimes dans le sens romantique du terme, touchant à l’absolu de la représentation et de l’univers, le transcendantal de la nature, dans un monde idéalisé, la force vitale et l’immanence, mais aussi et surtout la force de vivre du peintre, suivant le concept de Spinoza. De grandes vues et perspectives sur l’horizon et le lointain, le château de Louis II de Bavière, rappelant les peintures flamandes, des arbres verdoyants, quelques bouleaux striant la toile de bas en haut, un coucher de soleil d’une pureté éclatante. Tout y est.
« Je traverse la réalité à ma manière et je la traduis. De l’abstrait médiéval à une peinture figurative, informelle, conceptuelle, la nouvelle figuration, avec des réminiscences à l’histoire de la peinture. Tous les styles se valent et sont différents. Le sujet de la peinture est pour moi avant tout la production d’une image à l’aide de formes et de couleurs ». Or, les images de Jean-Marie Biwer ne sont pas celles de Caspar David Friedrich, car elles sont vues derrière un écran, entre raison et émotions. « La perception de l’espace est très différente aujourd’hui, même en traversant la rue nous regardons comme si nous étions derrière un écran et nous l’assumons ».