C’est vrai qu’il a pris un coup de jeune, ce salon centenaire. Et le nouveau lieu y est certainement aussi pour quelque chose. À croire que le contenant influe directement sur le contenu. Après New York, Luxembourg s’est doté de sa propre Factory, poutres métalliques, néons et surfaces bétonnées à l’appui. Esprit loft pour l’espace Carré Rotondes, une véritable cure de jouvence pour le salon du Cercle artistique de Luxembourg qui y entame sa deuxième année d’investiture. Les organisateurs eux-mêmes ne s’y sont pas trompés, puisque c’est le lieu qu’ils ont choisi de mettre en avant sur l’invitation et en couverture du catalogue.
Bien sûr, ce n’est qu’un léger lifting. On marche en terrain connu, la plupart des artistes présentés sont des habitués dont le travail évolue, certes, mais parfois très (trop ?) subtilement. Le Cal reste fidèle à ses fidèles. Par contre, la volonté de fraîcheur est manifeste : il était visiblement temps d’insuffler un air neuf à cette entreprise séculaire. Et c’est certainement à l’étage que l’atmosphère est la plus renouvelée, avec un petit air résolument rock’n roll. Il ne manque plus que du Velvet Underground en musique de fond, parfaitement assorti aux peintures chromatiques de Dani Neumann (violement sensuelle) ou de Claude Ernster (très graphique), pour s’y croire vraiment… dans le Luxembourg underground.
Seulement, on est au XXIe siècle et Andy Warhol est mort. Et ça ne sert à rien de réécrire l’histoire de l’art. Disons juste que la disposition des œuvres dans le lieu prend tout à coup la forme d’une citation, qui est bienvenue car inattendue. Elle signifie révolution, ce qui dans le domaine de l’art est toujours attendu avec impatience et curiosité. Mais que vont-ils donc inventer encore ces artistes ? Un fumoir. Une installation comprenant isoloir ventilé et cendrier intégré (avec publicité, encore un cliché warholien décidément). C’est du moins le bébé né du couple formé cette année par Jerry Frantz et Christian Frantzen, qui en ont fait le symbole de leur manifeste « interdiction d’interdire ».
Autre incongruité scintillante, et toujours d’esprit pop, l’installation toute en strass de Sali Muller. Très présentes également les sculptures habillées de Marie-Josée Kerschen, pourtant coutumière du Cal, mais reléguée – ou promue – cette année au premier étage. Sinon, très pop la photographie de Sophie Paule Jung, ou les collages de Tamara Kapp. Pop aussi les travaux sur les séries de Martine Feipel [&] Jean Bechameil ou de Michel Mimran. Un pop certes revisité et adapté à l’esprit du temps, après tout il s’agit d’une exposition d’art contemporain devant refléter la création locale.
On retrouve aussi avec beaucoup de plaisir Trixi Weis, notre Louise Bourgeois à nous, qui installe douze petites boîtes à musique délicates et subjectives, à peine soulignées par leur propre ombre. Prix de Raville en 1999 (l’un des nombreux prix bisannuels décernés par le Cal), sa réapparition au Salon semble effectivement refléter le nouvel engouement des artistes d’aujourd’hui pour le Cercle. Tant mieux, rappelons que la raison d’être de tout salon se veut génératrice de création, qu’il s’agisse d’« on » ou de « off ».
Parmi la petite cinquantaine d’artistes sélectionnés par un « jury international » (ou plutôt « grand-régional ») dont Anne Kayser et Kevin Muhlen du Casino Luxembourg, on aperçoit des nouveaux venus, certains déjà fidèles depuis le déménagement du Cl au Carré Rotondes. Alors quid de ce regain d’intérêt ? Est-il possible qu’il ne soit dû qu’au nouvel espace, ce qui signifierait alors que l’habit fait le moine pour tous ces artistes ? Ou se pourrait-il que la réponse se trouve dans la peinture de Marc Bertemes « We’re only in it for the money » ? Il s’agirait alors d’un véritable appel au secours venant de la jeune création qui, entre statut d’indépendant et travail à temps partiel, peine souvent à joindre les deux bouts. Quoi qu’il en soit, ce sang neuf ne peut qu’être intéressant pour les visiteurs, qui peuvent ainsi avoir un accès plus large à ce qui se crée aujourd’hui.
Formalistes et travailleurs de la couleur et de la matière, en bas. Conceptualistes et figuratifs, en haut. En gros, voilà comment semble s’être fait le partage de l’espace pour le cru 2009. On commence donc par un rez-de-chaussée rempli de belles choses bien faites et bien pensées… mais qui curieusement ne portent pas la marque de leur temps. Disons qu’elles sont intemporelles pour les flatter, mais qu’elles auraient très bien pu exister il y a vingt ans pour les critiquer. C’est là qu’on retrouve la plupart des grands classiques du Cal. C’est là aussi qu’on rencontre le nouveau jeune espoir de la création, certifié par le « prix Révélation » (ex-« prix d’encouragement aux jeunes artistes », ça devient compliqué…), en la personne de Letizia Romanini. À suivre, l’attribution du prix Grand-duc Adolphe, également décerné tous les deux ans et encore non révélé à l’heure actuelle. Pas de grande surprise au rendez-vous a priori, puisque le concours n’est ouvert qu’aux seuls membres titulaires du Cercle artistique de Luxembourg. Avis aux nouveaux arrivants : engagez-vous !