Les salaires minimums mensuels varient de un à dix dans l’UE au 1er janvier 2015, selon les chiffres publiés le 26 février par Eurostat, l’office statistique de l’Union européenne. Avec 1 923 euros par mois, le Luxembourg dispose du salaire minimum le plus généreux de l’Union, suivi par la Belgique et les Pays-Bas, et loin devant la Bulgarie, qui arrive en queue de peloton avec 184 euros mensuels. Le Grand-Duché a vu ce revenu minimum augmenter de 22 pour cent depuis 2008, une tendance à la hausse qui se retrouve dans tous les pays européens à l’exception de la Grèce, où il a chuté de quatorze pour cent sur la même période.
L’écart de revenu minimum entre le Luxembourg et ses voisins est cependant à nuancer pour Jean Ries, chef de service Marché du travail et éducation du Statec. Tout d’abord, seuls 22 des 28 États membres de l’Union européenne appliquent un salaire minimum national. Le Danemark, l’Italie, Chypre, l’Autriche, la Finlande et la Suède font exception. Dans ces pays, l’usage de conventions collectives régissant les niveaux de salaire par branches est beaucoup plus répandu et peut s’avérer, notamment dans les pays scandinaves, très protecteur pour les salariés.
Se pose également la question du pouvoir d’achat. « Le niveau de vie est plus élevé au Luxembourg », constate Jean Ries, ce qui influe sur le niveau du salaire minimum. Pour intégrer cette notion à ses statistiques, Eurostat a calculé les écarts de salaires minimums en standards de pouvoir d’achat (SPA), c’est-à-dire après élimination des différences de niveau des prix. Si le Luxembourg affiche toujours le salaire minimum le plus élevé, 1 561 SPA, la différence avec les autres États membres de l’Union européenne se réduit drastiquement. Le ratio n’est plus que de un à quatre avec la Bulgarie, qui impose un salaire minimum de 380 SPA par mois. Autre paramètre à prendre en compte, « un salaire minimum d’un montant de 1 000 euros ne signifie pas la même chose, selon que le salaire moyen dans ce pays est de 2 000 euros ou de 4 000 euros », explique Jean Ries. C’est d’autant plus central au Luxembourg que, contrairement à d’autres pays, comme la France, où le salaire minimum de croissance (Smic) est indexé à l’inflation, « au Luxembourg, le salaire minimum est adapté tous les deux ans au salaire moyen et donc suit son évolution », explique Jean Ries.
Le niveau élevé du salaire minimum s’insère dans un marché du travail en bonne santé. « L’économie luxembourgeoise est dynamique. Elle crée des emplois », constate Jean Ries. Le taux de chômage du Luxembourg reste, en effet, plus faible que celui de la plupart de ses partenaires du continent. Avec un taux de demandeurs d’emploi de sept pour cent (chiffres : Statec), le Luxembourg se situe bien en-deçà de la moyenne européenne, qui est de 9,8 pour cent. Il se hisse ainsi au quatrième rang des États membres les plus épargnés par le chômage, à égalité avec la République tchèque et après l’Allemagne (4,7 pour cent), l’Autriche (4,8) et le Royaume Uni (5,6).
La corrélation entre le taux de chômage et le niveau du salaire minimum est controversée parmi les experts, mais une moindre tension sur le marché du travail peut laisser supposer une plus grande liberté de choix politique des gouvernements sur la fixation du salaire minimum, en fonction du modèle social visé. Dans une étude datée de 2013, Johannes Schweig-hofer, économiste sénior au ministère autrichien du Travail et des Affaires sociales, observait l’absence de lien direct entre le salaire minimum et le taux de chômage des travailleurs non qualifiés en Europe, mais une relation étroite entre un revenu minimum élevé et un taux d’emploi global élevé. Ce dernier constat est corroboré dans l’étude d’Eurostat par l’exemple du Luxembourg, mais aussi, avec des salaires minimum de respectivement 1 379 euros et 1 473 euros, par le Royaume-Uni et l’Allemagne, qui cumulent faible taux de chômage et salaire minimum supérieur au seuil de 1 000 euros. Il ne fait cependant pas l’unanimité et beaucoup d’experts considèrent, au contraire, qu’un salaire minimum élevé est un frein à l’embauche.