Molière, dont on a fêté en 2022 les 400 ans de la naissance, sera à l’affiche cette saison 2023-2024 dans nos théâtres luxembourgeois avec plusieurs opus revisités ici ou venus d’ailleurs. Ainsi le Escher Theater de nous proposer récemment (les 8 et 9 novembre) L’Amour médecin, petite pièce que l’auteur a écrite en une poignée de jours en 1665 et qui préfigure sa grande pièce Le Médecin malgré lui. Sur le ton de la farce, cette comédie-ballet, en prose et en trois actes, s’entend comme une critique féroce des médecins de la cour, mettant à la lumière leur ignorance et leurs querelles sans fin, eux pour qui « il vaut mieux mourir selon les règles, que de réchapper contre les règles ». Le texte peu convaincant empêche au spectacle de décoller.
Les bonnes idées de mise en scène et le jeu des acteurs étaient pourtant là pour dépoussiérer cet opus peu connu – sélectionné dans les courtes pièces de Molière pour sa durée – et en proposer une version moderne à même de « favoriser l’approche de l’univers du théâtre » à un public qui ne le fréquente pas. Aux manettes, Jean-Louis Martinelli, qui a entre autres dirigé le Théâtre National de Strasbourg et le Théâtre Nanterre-Amandiers, et poursuit aujourd’hui l’aventure avec sa compagnie Allers/Retours. Il a choisi de revisiter L’Amour médecin sous une forme légère (une heure), sur un ton joyeux et en mode théâtre populaire. À ses côtés, neuf comédiens et comédiennes livrent une belle performance dans leur interprétation d’une galerie de personnages grotesques et hauts en couleur.
Sganarelle (Edouard Montoute), veuf inconsolé et possessif père ne veut entendre les désirs de mariage de sa fille unique Lucinde avec Clitandre. Pourtant « c’est un mari qu’elle veut ». La drôle et inventive Lisette (Martine Schambacher), suivante de la jeune fille, montera un stratagème pour réunir les amoureux. Lucinde feindra d’être malade, amenant Sganarelle à convoquer un quatuor de médecins aux théories fumeuses puis à se tourner vers l’orviétan, véritable poudre de Perlimpinpin... avant que n’arrive Clitandre, déguisé en médecin. Il fera illusion usant de ses « charmes » pour guérir une Lucinde qu’il arrive à épouser en trompant Sganarelle.
La mise en scène de Jean-Louis Martinelli fait naitre quelques plaisants tableaux collectifs et des scènes chorales dans un esprit commedia dell’arte et théâtre de tréteaux. Le texte est un peu revisité (apartés avec le public). La musique, elle, (l’originale est de Jean-Baptiste Lully) a perdu ses atours baroques pour revêtir des habits modernes (musique et création sonore de Sylvain Jacques), avec accents électro, clins d’œil aux musiques de films et notes inattendues de guitare électrique.
Les interludes sont chantés et dansés par la troupe qui, dès le prologue, donne le ton au spectacle. La procession des médecins charlatans, le solo du vendeur d’orviétan aux allures de « pope », tout participe à essayer de dynamiser L’Amour médecin jusqu’au grand bouquet final où les comédiens et comédiennes, de nouveau réunis, laissent advenir des personnages et des séquences de films cultes, des Blues Brothers à Pulp Fiction.
Tout au long du spectacle, la scène reste vide, un unique banc fait office d’estrade, de lit, de table… Noir et épuré, le plateau met en relief les merveilleux costumes signés Christian Lacroix, vêtements typés, extravagants, atemporels, de la robe-cage de Lucinde à la tenue baroque avec coiffe déjantée de Lisette, du long manteau « monacal » avec haut chapeau des médecins au bel habit flamboyant et clownesque d’un Sganarelle affublé de baskets.
Tout était donc bien là pour embarquer le public dans un spectacle joyeux. Mais au final L’Amour médecin reste une pièce qui pêche par son manque de contenu et d’action théâtrale. Peu à peu, le rythme se perd et le spectacle finit par ennuyer.