L’Union européenne en passe de se fixer pour 2030 des objectifs plus ambitieux qu’en 2020 en matière de réduction des gaz à effet de serre ? C’est ce qu’a proposé la Commission européenne, le 23 janvier dans un paquet dit « énergie-climat » composé de cinq documents, qui doit être discuté lors du sommet européen de chefs d’États et de gouvernement en mars prochain. Elle suggère notamment de réduire d’ici à 2030 de 40 pour cent ses émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990, pour lutter contre le réchauffement climatique, mais elle assouplit par ailleurs nettement les contraintes de mise actuellement.
Ce nouveau « paquet » va remplacer le précédent, conclu en 2009, qui prévoyait une réduction des émissions de gaz à effet de serre de vingt pour cent d’ici à 2020 par rapport à 1990, et réalise vingt pour cent d’économies d’énergie grâce à des gains d’efficacité dans le bâtiment, les transports et les équipements électroménagers. Un objectif presque atteint selon une étude publiée à l’automne dernier par l’Agence européenne de l’environnement (AEE), qui indique que le niveau de 19 pour cent a été franchi en 2012 au niveau global.
Le nouveau paquet adopté la semaine dernière maintient un seul objectif réellement contraignant : ce seuil de 40 pour cent de baisse des GES. Il était demandé notamment par les ministres de l’Environnement français, britannique italien et luxembourgois et les ministres allemands de l’économie et de l’environnement dans une lettre du 6 janvier à la Commission. En revanche, les diverses ONG écologistes réclamaient plus pour limiter l’augmentation de la température à 2°C, comme l’UE s’y est engagée.
« Ce paquet est ambitieux, mais en même temps réaliste », a déclaré le président de la Commission, José Manuel Barroso, venu présenter la stratégie à la presse, entouré des commissaires Günther Oettinger (Énergie) et Connie Hedegaard (Climat). « Le changement climatique est un défi majeur et l’énergie est une politique clé pour faire face à nos concurrents. Il ne s’agit pas de choisir entre les deux ». Il a expliqué que ce taux de 40 pour cent permettra à l’UE de disposer d’une certaine crédibilité dans les négociations climatiques en vue d’un nouvel accord international à Paris en 2015. Mais accomplir en dix ans vingt pour cent de plus de baisse d’émissions de GES qu’auparavant en trente ans, « cela signifie trois fois la vitesse », a déclaré Günther Oettinger. « C’est très ambitieux », a noté, sceptique, le commissaire en charge de l’Énergie lors d’une réunion organisée par le lobby européen du grand patronat Business Europe le 28 janvier.
Si l’UE fait cavalier seul, elle risque de voir ses prix de l’énergie grimper en flèche et des émissions de carbone transférées vers les pays tiers souligne de son coté Eurochambres, l’association européenne des chambres de commerce. Pour son secrétaire général Arnaldo Abruzzini « un objectif unilatéral de quarante pour cent ou plus nuirait à tout effort de réindustrialiser l’Europe ».
Un autre point corrélé à cet objectif de réduction de GES est un renforcement du système européen d’échange de quotas d’émissions (ETS), dont la valeur en bourse ne cesse de chuter du fait de quotas excédentaires. Et la Commission propose ainsi dans son « paquet », un texte législatif contraignant (le seul) portant sur la création d’une réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas au début de la prochaine période d’application de l’ETS, soit à dater du 1er janvier 2021 « pour réguler le marché en fonction des besoins » précise un expert de la Commission. Certes, l’objectif d’un ETS « fort » est soutenu par tous les industriels, mais ce projet de réserve stratégique n’est avalisé que par les acteurs de l’industrie électrique, comme Eurelectric ou Westinghouse, et rejeté par la plupart des autres secteurs.
De plus, le projet fixe au moins à 27 pour cent la part des énergies renouvelables dans le bilan énergétique de l’EU d’ici à 2030 et ce niveau est global cette fois et non pas demandé à chaque État membre et il serait atteint uniquement par des mesures adoptées au niveau national avec une assez grande marge de latitude pour les 28. Les capitales devront donc établir des plans « pour une énergie compétitive, sûre et durable, dans le cadre d’une approche commune », a expliqué la commissaire au Climat, Connie Hedegaard, et que la Commission suivra de près pour s’assurer qu’ils « sont suffisamment ambitieux ; dans le cas contraire, elle fera des suggestions ».
C’est inefficace pour les écologistes. Pour le député européen Vert luxembourgeois Claude Turmes, « on fait faire à la politique climatique et environnementale un bond arrière de plusieurs dizaines d’années. Le Parlement européen n’acceptera pas cette farce : dix États membres de l’UE appellent à des objectifs en termes d’énergies renouvelables ». Et d’ajouter que ce paquet tend de plus à laisser aux États trop de latitude pour développer « des sources d’énergie dangereuses, insalubres et dangereuses tels que le gaz de schiste, le charbon et le nucléaire à grande échelle ». Il fait en cela référence à une recommandation du paquet sur le gaz de schiste qui indique que les États qui choisissent de développer sur leur territoire devraient le faire sur la base de principes définis en commun, avec notamment des évaluations d’impact environnemental, mais la décision finale en reviendra à chaque pays.