L’Europe a aujourd’hui pris pleinement conscience de la gravité de la situation de l’emploi des jeunes. Les derniers chiffres publiés par l’Office européen de statistiques Eurostat sont alarmants. L’Union européenne compte plus de 26 millions de demandeurs d’emploi, dont 5,6 millions sont des jeunes de moins de 25 ans. Mieux loti certes que ses partenaires européens avec un taux de chômage de sept pour cent, le Luxembourg n’échappe cependant pas à la problématique du chômage des jeunes. Les jeunes de moins de 25 ans représentent près de treize pour cent des demandeurs d’emploi selon les derniers chiffres du Statec.
Employant plus de deux tiers de la population active dans les pays de l’OCDE et 45 pour cent au Luxembourg, l’entreprenariat se présente comme une perspective attrayante pour les jeunes. Pilier de l’économie luxembourgeoise, les 30 000 petites et moyennes entreprises (PME) cumulent un chiffre d’affaires de près de 60 milliards d’euros et représentent pas moins de 170 000 salariés. Il s’agit d’un vivier spectaculaire d’innovation et de création d’emplois. Le dynamisme du secteur s’apprécie aisément lorsqu’on apprend, chiffres du ministère des Classes moyennes à l’appui, que la création nette d’entreprises est de 700 par an pour une création de 40 000 emplois au cours de la dernière décennie.
Dans ce contexte de chômage des jeunes et au regard du potentiel de l’entreprenariat, une étude a été menée par le cabinet Ernst & Young auprès de plus de 1 500 entrepreneurs au travers des pays du G20. Ce baromètre a d’ailleurs donné lieu à une étude intitulée Avoiding a lost generation, qui dévoile les mesures pouvant inhiber, voire inverser la tendance du chômage des jeunes à travers le soutien systématique à l’entreprenariat.
Les établissements financiers sont devenus depuis la crise financière de plus en plus frileux à financer les projets des PME. Cette pénurie de crédit a été accentuée par une règlementation plus stricte des banques, à l’égard des réserves obligatoires ou encore de la gestion des risques, comme notamment les règles dites de Bâle III.
Ces restrictions se reflètent sur les conditions d’emprunts, exacerbant les difficultés d’accès aux crédits des entrepreneurs. D’ailleurs l’accès au financement est devenu l’enjeu majeur pour les entrepreneurs. Les démarches d’obtention d’un prêt sont d’autant plus ardues pour un jeune entrepreneur qui, le plus souvent, ne dispose ni de patrimoine propre ni d’expérience managériale pour faire valoir son projet. Or, l’accès au financement est crucial pour l’éclosion ou le développement d’une PME et en particulier au Luxembourg, où le prix du foncier est un facteur de coût conséquent.
Pour pallier au manque d’accès au crédit, plusieurs mesures peuvent être envisagées. Lorsque les canaux traditionnels de financement des jeunes entrepreneurs s’épuisent, il est nécessaire de considérer les alternatives de financement disponibles sur le marché, telles que les business angels, le private equity ou le venture capital, ou encore recourir à d’autres plateformes de financement comme le crowd funding ou la microfinance.
L’État doit également être en mesure de pouvoir combler une partie de la brèche entre l’offre de financement et les besoins du marché. Il s’agit de compter sur des instruments de financement adaptés pour accompagner les jeunes entrepreneurs dans la réalisation de leur projet. Depuis la réforme de la loi cadre des Classes moyennes, le Luxembourg a énormément avancé dans cette direction. Il est toutefois important que ces instruments d’aide aux PME s’adaptent à l’évolution des besoins des jeunes entrepreneurs. Par exemple, par la création de garantie de crédit spécifique aux jeunes entrepreneurs souvent exclus des crédits et devant se tourner vers des prêts familiaux limités ou même drastiquement réduire l’ambition de leur projet. Il pourrait également s’agir d’adapter le cadre fiscal pour les secteurs d’activité stratégique pour l’avenir du Luxembourg ou encore de créer un régime d’aides dédiées à la transmission d’entreprise aux jeunes entrepreneurs.
L’accès au financement n’est pas une condition suffisante pour s’assurer du succès d’une entreprise. Ainsi, la mise en place d’un système de mentoring ou de coaching par exemple augmente significativement les chances d’un projet. Ce type d’appui est d’autant plus important, bien que non exclusif, pour les jeunes entrepreneurs qui, de par leur âge, ne disposent souvent que d’une expérience limitée en gestion d’entreprise.
De plus, c’est lors des cinq premières années de vie d’une entreprise que le taux de survie est le plus bas. Au grand-duché, seulement 55 pour cent des entreprises créées en 2006 survivaient en 2011 selon les données disponibles au niveau national. Il est donc essentiel que les jeunes entrepreneurs puissent compter sur le savoir-faire d’experts disposant d’instruments adaptés à leur accompagnement et pouvant apporter rapidement une solution sur mesure aux difficultés rencontrées. Partant de ce constat, il est important de soutenir et développer davantage ce type d’initiatives à travers le futur plan d’action PME du gouvernement prévoyant de conseiller les entreprises en gestion stratégique et financière.
La perception d’insécurité liée à la création de sa propre entreprise existe encore en Europe et particulièrement au Luxembourg. Beaucoup de jeunes abandonnent leur projet d’entreprise face à la perception généralement négative de la société face à l’échec et l’alternative sécurisante de la fonction publique comme employeur de premier choix.
L’État, les représentations professionnelles et les entreprises doivent travailler ensemble pour faire connaître la réalité de l’entreprenariat auprès du grand public et ainsi changer les clichés ancrés dans les mentalités. Une communication reposant sur une stratégie à l’échelle nationale pourrait aider à la prise de conscience du rôle des entrepreneurs dans notre économie. Il est notamment important de cibler les écoles et les universités qui ont aussi leur rôle à jouer et de présenter d’autres choix de carrière aux jeunes générations. Multiplier les contacts entre l’enseignement et le monde des entreprises en renforçant le recours par exemple aux stages, aux apprentissages ou encore des programmes spécifiques tels que les « mini-entreprises » serait bénéfique à l’ouverture d’esprit des nouvelles générations. Des initiatives en ce sens ont vu le jour au Luxembourg telle que Jonk Entrepreneuren.
Adapter la formation aux besoins du marché de travail est devenu un enjeu capital, notamment au regard de la croissance du chômage des jeunes malgré la création nette d’emplois de 2,3 pour cent selon le Statec. Ces postes créés sont majoritairement pourvus par une population étrangère attirée par des conditions de travail plus avantageuses au Luxembourg que dans leur pays d’origine.
Le développement de programmes de formation permettrait à la main d’œuvre locale d’adapter ses compétences pour répondre aux besoins des entreprises du pays. Des réformes structurelles de l’école, un bilan d’évaluation de la formation professionnelle semblent donc inéluctables dans notre pays. L’école doit être véritablement organisée au service de la réussite de tous à différents niveaux d’aptitude et de qualifications. Surtout les filières artisanales et de commerce ont besoin d’être revalorisées par le ministère de l’Éducation nationale en misant sur le conseil des chambres professionnelles.
Les règles, procédures et formalités administratives sont souvent jugées comme étant trop complexes, coûteuses ou encore chronophages pour les entreprises. Le dernier Global Competitiveness Report du forum de Davos confirme cette observation.
Le coût lié aux exigences administratives s’impose à l’ensemble de l’économie et entrave la compétitivité du pays. L’État se doit d’intervenir au niveau de la simplification administrative, de la mise en place d’un environnement règlementaire suffisamment précis pour éviter des divergences d’interprétation entre l’entrepreneur et l’administration.
L’État luxembourgeois s’est déjà engagé dans une vraie démarche de réduction des charges et des délais administratifs. Il s’agit par exemple du guichet unique, de la loi sur l’établissement ou encore de la future loi Omnibus. Il reste néanmoins des chantiers importants sur lesquels des avancées pourraient être réalisées, à savoir la simplification des procédures d’autorisation de construction et d’exploitation pour les entreprises de production. De surcroît, il faudra aussi veiller à guider les administrations via un cadre légal approprié à appliquer la Directive et rien que la Directive.
L’État pourra jouer le rôle de catalyseur d’un véritable « Turbo Booster Mëttelstand », dynamisant les PME évoluant dans l’intérêt stratégique de notre pays. Nous pourrions tous être témoins d’une création considérable d’emplois PME et l’Adem pourrait faciliter l’embauche en simplifiant davantage ses formalités administratives.
En conclusion, nous sommes convaincus que l’entreprenariat représente une alternative pour récupérer une génération perdue pour l’emploi en mobilisant les trois forces de la nation : l’État, les entreprises et les citoyens.